La France sonne la mobilisation autour des technologies quantiques

La France doit prendre la vague du quantique, des technologies de l'infiniment petit qui sortent à peine des laboratoires mais ont un potentiel révolutionnaire pour l'économie et la société, ont insisté jeudi un rapport parlementaire et plusieurs ministres, sans dépasser dans l'immédiat le stade des grandes déclarations.

"C'est un véritable enjeu de souveraineté nationale" a souligné la ministre des Armées Florence Parly. "Dans le numérique, la France et l'Europe se sont laissées distancer par les Etats-Unis et la Chine" et il est important cette fois "de ne pas laisser passer le train", a renchéri Cédric O, le secrétaire d'Etat au numérique.

Ils s'exprimaient devant un parterre de spécialistes réunis pour la remise du rapport "quantique" de la députée Paula Forteza (LREM), qui propose 37 pistes d'actions.

Avec la ministre de la Recherche Frédérique Vidal et, par vidéo interposée, celui des Finances Bruno Le Maire, pas moins de quatre membres du gouvernement étaient venus souligner l'enjeu capital de ces technologies potentiellement capables de faire progresser exponentiellement la puissance de calcul des ordinateurs, mais aussi de créer un chiffrement inviolable, ou de rendre des capteurs jusqu'à 1 million de fois plus sensibles.

Les technologies quantiques exploitent les propriétés surprenantes de la matière à l'échelon de l'infiniment petit (atome, ion, photon ou électron). Les théories qui les fondent sont connues depuis la première partie du XXe siècle, et ont déjà donné naissance à des innovations révolutionnaires comme le transistor et le laser. Mais la nouvelle capacité des scientifiques à faire des manipulations au niveau de l'atome ou du photon a ouvert de nouvelles et immenses possibilités.

La plus connue des innovations quantiques est l'ordinateur quantique, qui devrait pouvoir un jour ridiculiser les machines actuelles sur certains types de calcul.

Mais les premiers appareils quantiques commercialisables seront peut-être de simples modules ajoutés à des ordinateurs classiques pour les accélérer sur certains types de calcul. Ou bien des capteurs, comme celui du gravimètre (mesure du champ de pesanteur) "à atome froid" qui va être intégré sur un futur bâtiment hydrographique et océanographique français, selon Florence Parly.

- Tripler les investissements de l'Etat -

Pour l'instant, l'Etat investit environ 60 millions d'euros par an dans le quantique, évalue Paula Forteza. Il faudrait au moins "tripler" cet effort public, pour que les investissements français atteignent 1,4 milliard d'euros sur 5 ans, en comptant ceux de l'Etat, ceux des entreprises, et ceux des collectivités et de l'Europe, a-t-elle indiqué.

Le gouvernement n'a fait aucune grande annonce jeudi --elles sont réservées pour plus tard.

Mais dans ses propositions, la députée suggère notamment de mieux coordonner les efforts publics et privés.

Son rapport suggère ainsi de créer trois Instituts interdisciplinaires en information quantique à Paris, Saclay et Grenoble, alliant laboratoires publics et industriels. Il recommande aussi un fonds d'investissement de 300 à 500 millions d'euros dédié aux startup du quantique, avec l'ambition d'en faire émerger une cinquantaine dans les prochaines années.

"Il n'y en a qu'une dizaine actuellement, mais c'est possible si on s'y met tous", a estimé Christophe Jurzack, du fonds d'investissement spécialisé Quantonation, l'un des nombreux acteurs de la toute jeune filière rassemblés à l'Assemblée.

"Même si je ne peux pas vous promettre qu'il y aura des applications (quantiques) qui seront capables de trouver des marchés de masse, je suis intimement convaincu qu'il y aura des applications intéressantes sur des marchés de niche" dans les prochaines années, a estimé le physicien Alain Aspect, mondialement connu pour avoir mis en évidence le premier l'intrication quantique, une propriété fondamentale de la discipline.

"Pour la France, ne pas miser de l'argent pour aller regarder ce qui est possible et être dans la course si cette course est possible, ce serait un suicide", a-t-il ajouté.

Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie et des Finances, a en tout cas prévenu que les startup quantiques faisaient désormais partie des entreprises stratégiques, qui doivent avoir un feu vert gouvernemental avant de recevoir un investissement étranger représentant plus de 25% du capital.

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