La France met la pression sur ses partenaires européens pour qu'il suivent l'exemple du plan d'urgence de la BCE et qu'ils fassent preuve de solidarité face à la crise du coronavirus et évitent les blocages de la crise de la dette d'il y a dix ans.
"Quand par moment on voit certains blocages, certaines lenteurs, certaines divisions, il faut être capable de taper du poing sur la table", a affirmé vendredi sur LCI le ministre des Finances, Bruno Le Maire, au coeur d'une offensive française pour obtenir "un message politique" de l'UE aussi fort que les 750 milliards d'euros mis sur la table mercredi par la Banque centrale européenne (BCE).
Le président Emmanuel Macron avait annoncé la couleur dès sa première réaction au plan de la BCE : "A nous, Etats européens, d'être au rendez-vous par nos interventions budgétaires et une plus grande solidarité financière au sein de la zone euro. Nos peuples et nos économies en ont besoin", a-t-il écrit sur Twitter.
Depuis le début de la crise, les institutions internationales comme l'OCDE ont appelé les Etats à utiliser les ressources budgétaires pour épauler les mesures des banques centrales, qui n'ont plus beaucoup de marge de manoeuvre pour abaisser leurs taux d'intérêts.
Ces différents messages visent essentiellement l'Allemagne et les pays du Nord qui s'étaient opposés avec virulence à "payer" pour la Grèce et les autres pays du Sud plongés dans la crise de la dette après la faillite de la banque Lehman Brothers.
- Ne pas laisser tomber l'Italie -
M. Le Maire a directement cité vendredi le cas de l'Italie, le pays jusqu'à présent le plus touché par le coronavirus, mais aussi le plus endetté de la zone euro après la Grèce.
"Si c'est le chacun pour soi, si on laisse tomber certains Etats, si on dit à l'Italie, par exemple, +débrouillez-vous tout seuls+, l'Europe ne s'en relèvera pas", a-t-il affirmé, après avoir déjà prévenu la veille que le coronavirus menaçait l'existence même de la zone euro et "l'avenir politique de notre continent".
"Si nous ne sommes pas capables de nous rassembler (...) les citoyens diront que si l'Europe ne nous protège pas, ne nous aide pas, quand nous sommes en difficulté, ne nous apporte pas des protections et des garanties, à quoi sert-elle?", a-t-il ajouté.
Le ministre a reconnu passer beaucoup de temps au téléphone avec ses homologues de la zone euro. Ses déclarations ont d'ailleurs coïncidé avec la publication d'un entretien avec le Premier ministre italien Giuseppe Conte dans le Financial Times, où M. Conte a demandé à l'UE d'utiliser "toute la puissance" de son fonds de secours (MES) de la zone euro face à une crise "sans précédent".
Lors d'une réunion lundi, les 27 ministres des Finances ne s'étaient pas entendus sur un éventuel recours à ce fonds de sauvetage de la zone euro, créé en 2012 lors de la crise de la dette, pour venir en aide aux Etats rencontrant des problèmes de financement sur les marchés.
La réponse à la crise "pose la question d'un certain nombre d'outils budgétaires dont le MES. Ce n'est pas la seule option, mais c'est une option sur laquelle on doit travailler sans précipitation et sans que ce soit tabou", a expliqué l'Elysée.
Le mot "tabou" fait référence au refus allemand lors de la précédente crise de financer les dépenses budgétaires avec les autres pays européens pour secourir un pays membre frappé par la crise.
"Nous attendons quelque chose de tous les pays" et pas uniquement de l'Allemagne, a toutefois affirmé M. Le Maire sur LCI, prenant soin de ménager publiquement Berlin, et saisissant l'occasion pour souligner les effets positifs des mesures annoncées par la BCE.
"Les écarts des taux d'intérêts se réduisent", notamment celui très suivi entre ceux de l'Italie et ceux de l'Allemagne. Une situation qui permet aux différents Etats de l'UE de continuer à se financer sur les marchés à moindre prix pour faire face à la crise, contrairement à ce qui s'était passé il y a dix ans.
"Nous sommes sur la bonne voie et il faut continuer dans la durée à manifester cette solidarité européenne", a-t-il ajouté.
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