A la Fête de l'Humanité, le rouge communiste se teinte du vert écolo

"Unité des travailleurs" mais aussi désormais "Planète en danger, responsabilité du capitalisme engagée": les slogans écolo fleurissent en nombre cette année sur les stands de la Fête de l'Humanité, témoignant de la tentative de verdissement du discours communiste.

Le PCF n'échappe pas à la règle: après les mobilisations citoyennes, le bon score d'EELV aux européennes (13,5%) et les épisodes caniculaires, tous les partis doivent montrer patte verte. Pourtant, les communistes sont historiquement productivistes et pro-nucléaire, un handicap aux yeux des écologistes.

"Je ne me suis jamais senti productiviste", assure Fabien Roussel, secrétaire national du PCF depuis novembre dernier, durant le traditionnel déjeuner avec la presse, ajoutant: "on doit sortir de cette logique qui a imposé aux agriculteurs de tirer le plus des bêtes et de la terre".

Le parti des ouvriers ne peut pour autant pas se permettre de tourner le dos à l'industrie. Bien qu'internationaliste, il porte sans arrière-pensée le "made in France": "les frigos, les micro-ondes, les télévisions: on peut produire ce dont nous avons besoin en France", plaide Fabien Roussel, dans la droite lignée de Georges Marchais.

Gratuité des transports en commun, rénovation thermique des logements, alimentation bio en circuit court dans les cantines, plan vélo: telles sont les propositions concrètes du PCF, notamment pour garder les quelque 800 villes détenues aux élections municipales de mars 2020, essentielles pour la survie du parti.

André, 69 ans, communiste depuis 50 ans, venu de la banlieue d'Avignon, confie s'être mis à Pablo Servigne, conférencier très en vogue dans les milieux "collapsologues": "l'effondrement est inévitable", souffle le vieux militant. Il conteste cependant tout "virage" de la pensée communiste: "on a toujours eu des préoccupations écologistes".

Marx n'a-t-il d'ailleurs pas dit "Le capitalisme épuise les deux seules richesses que nous ayons: les travailleurs et la terre?", font remarquer la plupart des militants communistes rencontrés. "La logique des profits à court terme empêche de réfléchir au long terme" des enjeux écologistes, avance Igor Zamichiei, numéro 2 du parti.

- "Mythe" du nucléaire -

Le secrétaire national d'EELV David Cormand, présent à la Fête de l'Humanité, admet une "évolution" au PCF, mais doute que le marxisme soit d'utilité pour l'environnement. Cette doctrine "cherche avant tout à créer l'abondance et à la répartir alors que l'écologie est la répartition de la sobriété à l'intérieur des limites de la planète", estime M. Cormand.

Marx s'est certes borné, dans une époque où l'écologie politique n'existait pas, à des "remarques", reconnaît le Nîmois Hugo, 20 ans, mais il est aujourd'hui "un outil pour penser l'écologie, la décision de produire quoi et comment".

C'est la "planification écologique", mesure-phare du Front de gauche mais aujourd'hui davantage associée au seul Jean-Luc Mélenchon, avec qui le PCF a rompu. Sans regret pour Hugo: "Mélenchon c'est la présidentielle, le pouvoir central qui l'intéresse, nous on pense les choses plus localement avec nos mairies". Plusieurs maires communistes, et même le président PCF du département du Val-de-Marne, ont d'ailleurs récemment signé des arrêtés anti-glyphosate.

La question la plus délicate reste le nucléaire, dont les communistes ont toujours loué les vertus sociales, pour son moindre coût. Le "mythe d'une énergie bon marché et illimitée", critique David Cormand.

Le PCF bouge doucement, à la faveur d'un "débat très très fort chez nous en ce moment", témoigne Léo, coordinateur des Jeunesses communistes du Val-de-Marne. "C'est clair qu'aller chercher l'uranium en Afrique, ça pose question... Mais à part rouvrir les centrales à charbon, qu'est-ce qu'on peut faire?"

Fabien Roussel propose: "Il faut réduire l'énergie nucléaire à 50% (du mix énergétique) d'ici 2030, 2035... Et en même temps investir massivement dans la recherche".

D'une manière générale, le PCF privilégiera toujours l'enjeu social en cas de conflit avec l'écologie: "Dans les quartiers de banlieue d'où je viens", raconte Léo, "je ne vais pas aller voir les gens dont la première préoccupation est de manger: +Il faut produire moins+".

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