Contempteurs du texte consacré aux énergies renouvelables en janvier, les députés communistes sont beaucoup plus amènes avec le projet de loi de relance du nucléaire examiné à l'Assemblée, assumant une divergence de longue date sur l'atome avec leurs alliés de gauche.
Dans l'hémicycle, le camp présidentiel multiplie les clins d'oeil aux élus PCF, espérant a minima leur abstention lors du vote global, comme au Sénat.
La rapporteure macroniste Maud Bregeon a ainsi cité le communiste Marcel Paul, ministre de la production industrielle en 1945, "sous la houlette de qui la filière a été construite au lendemain de la Seconde guerre mondiale".
Le groupe GDR (vingt-deux députés communistes et ultra-marins) n'est "pas pro-nucléaire, il se bat pour un mix énergétique" et "milite pour la reprise en main par la puissance publique des enjeux de politique énergétique", nuance le député PCF Sébastien Jumel, soucieux de ménager ses collègues d'Outre-mer, beaucoup plus critiques.
"C'est en fonction de la manière dont les amendements seront reçus que le groupe communiste formulera son opinion" sur ce projet de loi, qui vise à faciliter la construction de six nouveaux réacteurs EPR à l'horizon 2035, a-t-il indiqué.
"Ce n'est pas un sujet de crispation à gauche, il y a des divergences dans tous les groupes", insiste le député de Seine-Maritime, élu dans la circonscription de la centrale de Penly.
Les communistes plaident pour un "Etat stratège" centralisateur, autour d'EDF, comme dans un amendement défendu en vain pour "garantir la maîtrise de la construction des futurs réacteurs nucléaires par EDF", y compris les plus petits réacteurs SMR qui intéressent les start-ups du secteur.
Insoumis et Verts militent quant à eux pour une sortie du nucléaire et le passage aux 100% renouvelables à partir de 2045. Ils combattent dans l'hémicycle la "relance à mort du nucléaire", une énergie "dangereuse".
- "Pas de surprise" -
"On a un avis différent sur l'énergie nucléaire: est-ce qu'il faut planifier sa sortie comme nous le disons, ou est-ce qu'il faut continuer avec cette énergie? Ca a été dit dans le programme quand on a fait la (coalition de gauche) Nupes, ça a été un point de désaccord, il n'y a pas de surprise", reconnaît la cheffe de file des députés insoumis Mathilde Panot.
L'ex-candidat à la présidentielle Fabien Roussel, N.1 du Parti communiste, avait aussi souligné cette divergence durant la campagne, en réclamant une "consultation des Français" par référendum si la gauche arrivait au pouvoir. Avec l'hydraulique, le nucléaire est "l'énergie la plus décarbonée qui soit", insistait-il.
Quant aux socialistes, ils ne sont pas "principalement anti-nucléaires. Nous assumons même de considérer qu'il est nécessaire de faire de cette énergie décarbonée et pilotable une énergie de transition", indique la députée Anna Pic. "Pour autant, nous ne pouvons pas raisonnablement approuver la relance que vous proposez", a-t-elle dit au gouvernement.
La gauche préfère mettre en avant son unité pour combattre certains points de ce texte. Toute la Nupes s'oppose à la réforme de la sûreté nucléaire: la disparition annoncée de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), expert technique, que l'exécutif veut fondre dans l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme des centrales.
"Avec les communistes nous avons aussi des combats communs sur les travailleurs du nucléaire", notamment les conditions de travail des "sous-traitants", souligne Mathilde Panot.
Fin janvier, les divergences sur la politique énergétique s'étaient manifestées lors du vote du projet de loi d'accélération des énergies renouvelables. Les communistes l'avaient vivement combattu, reprochant au secteur des éoliennes et du solaire ses "dérives libérales" et son "développement anarchique".
Les socialistes avaient quant à eux voté pour, les écolos s'étaient abstenus en trouvant le texte très insuffisant et LFI s'y était opposée, de façon moins véhémente que l'allié communiste.
adc/bap/reb/sde/dlm