La complexe attribution des terres agricoles à Notre-Dame-des-Landes

À qui attribuer les terres agricoles de Notre-Dame-des-Landes et pour quoi faire ? Beaucoup de projets portés par des zadistes ont émergé ces dernières années, mais sont parfois en concurrence avec ceux d'autres agriculteurs et les autorités devront bientôt se prononcer.

"Maintenant qu'on a fait le boulot, il faudrait qu'on parte, alors qu'on a un projet tourné vers la collectivité", s'étonne Gibier, maraîcher depuis 2 ans et demi sur la "zone à défendre" (ZAD).

Pour ce jeune père de famille, qui avait lancé son activité dans un esprit de "lutte pour occuper le territoire", le fait d'avoir lutté contre le projet d'aéroport devrait lui donner plus de crédit lors du comité de pilotage en préfecture le 12 octobre, que celui accordé aux projets d'agriculteurs ayant quitté le territoire en échange d'indemnités.

L'activité agricole, selon Gibier, "manifeste notre détermination", rappelant que ceux qui comme lui se sont engagés dans cette voie avant que les autorités ne renoncent à l'aéroport le 17 janvier, "n'avaient pas de plan B".

Parmi les agriculteurs qui avaient pris le risque de tout perdre si l'aéroport se construisait, se trouve Marcel Thébault. Cet éleveur de vaches laitières a toujours refusé de quitter sa ferme ou d'être indemnisé. Il devrait bientôt redevenir propriétaire de sa maison.

"Le projet d'aéroport a été un coup dur pour tous le monde et chacun a réagi comme il a pu. Personne n'a à porter de jugement sur le fait que certains ont renoncé à leurs terres", affirme-t-il.

Cependant, il lui semble "immoral" que certains agriculteurs qui ne sont pas battus contre le projet disent aujourd'hui "+on tient à nos terres, on veut continuer à les cultiver+".

- Transhumance de brebis -

La situation est d'autant plus complexe que certains agriculteurs indemnisés pour renoncer aux terres qu'ils louaient, ont en même temps été sollicités pour continuer à les exploiter afin que les terrains ne soient pas en friches au moment où l'aéroport se construirait.

Par ailleurs, des zadistes ont petit à petit occupé des terrains et des fermes pour les protéger de la destruction et promouvoir une agriculture respectueuse de l'environnement.

"Ils développent l'agriculture qu'ils veulent, moi ça ne me dérange pas du tout, en revanche nous refusons de mettre les agricultures de la Loire-Atlantique en opposition", insiste Mickaël Mary, président de l'Association pour le maintien des exploitations légales sur l'ancienne zone aéroportuaire (Amelaza) qui rassemble une quarantaine d'agriculteurs depuis février 2018.

Dans certaines zones, comme à la ferme de Bellevue, à plusieurs kilomètres de l'exploitation de Gibier, les zadistes ont obtenu des Conventions d'occupation précaire (COP) en juin pour mener à bien leurs projets.

C'est le cas du "Grand troupeau communal", 26 vaches et veaux dont Clémence s'occupe avec trois autres personnes depuis plusieurs années. Pour elle, le caractère unique et expérimental des activités de la ZAD doit être préservé. Outre l'enjeu environnemental, l'interdépendance des activités agricoles des zadistes et leurs liens avec d'autres projets culturels ou artisanaux permettent "éviter l'isolement qui est commun dans le monde agricole", relève-t-elle.

Les COP courent jusqu'à fin 2018 et la réunion du 12 octobre doit notamment se pencher sur leur devenir et le fait que les surfaces allouées soient souvent considérées insuffisantes par les zadistes pour la viabilité des exploitations. Elle portera aussi sur les projets sur lesquels la préfecture n'a pas encore tranché.

Pour défendre celui de Romain, qui possède 80 brebis et plusieurs diplômes agricoles, une transhumance a été organisée samedi dans le cadre de portes ouvertes à la ZAD.

Non loin de la ferme de Bellevue, Willem, un producteur de lait, attend lui aussi d'être fixé sur son sort. Sur le fronton du hangar qui abrite ses vaches, un panneau proclame fièrement: "En avant pour le triomphe de la paysannerie".