La commission TikTok presse pour interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans

Un "océan de contenus néfastes", de la violence "sous toutes ses formes" : la commission d'enquête parlementaire sur TikTok préconise jeudi d'interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans et un "couvre-feu numérique" pour les 15-18 ans pour tenter d'endiguer un "piège algorithmique" dangereux pour les plus jeunes.

Une telle interdiction, déjà souhaitée par l'Elysée, permettrait "de donner un signal à la fois aux enfants et aux parents qu'avant 15 ans", les réseaux sociaux, "ce n'est pas anodin", a résumé auprès de l'AFP la députée Laure Miller (EPR), rapporteure de cette commission d'enquête parlementaire.

Lancée en mars, la commission a auditionné pendant plusieurs mois des familles de victimes, des responsables de réseaux sociaux et des influenceurs pour décortiquer l'algorithme de TikTok, dont le design "a été copié par d'autres réseaux sociaux", a rappelé Mme Miller.

En se plongeant dans cette application ultrapopulaire chez les jeunes, les députés ont constaté "un océan de contenus néfastes", mêlant des vidéos de "promotion du suicide, d'automutilation" et "une exposition à la violence sous toutes ses formes", dopé par les programmes de recommandations puissants qui enferment les jeunes dans des bulles nocives, a-t-elle détaillé lors d'une conférence de presse.

Pour le président de la commission d'enquête, Arthur Delaporte (PS), "le constat est sans appel". "TikTok a délibérément mis en danger la santé, la vie de ses utilisateurs", a dénoncé le député, qui a saisi la procureure de la République de Paris pour ces possibles "infractions de nature pénale" et également pour "parjure" des dirigeants de l'application.

- "Soulagement" -

"Je salue cette initiative", a réagi l'avocate Laure Boutron-Marmion, fondatrice du collectif Algos Victima qui représente plusieurs familles ayant assigné TikTok en justice fin 2024, l'accusant d'avoir exposé leurs enfants à des contenus pouvant les pousser au suicide.

"C'est compliqué pour nous, parents, de modérer tout ça", a expliqué à l'AFP Géraldine, 52 ans, qui fait partie des plaignants et souhaite rester anonyme.

En février 2024, cette mère de famille a perdu sa fille, Pénélope, qui s'est suicidée à l'âge de 18 ans.

Après son décès, elle avait découvert les vidéos de scarification que sa fille publiait et consultait sur TikTok.

"Ce n'est pas TikTok qui a tué notre fille, parce que de toute façon, elle n'allait pas bien", explique Géraldine à l'AFP, mais le réseau a "enfoncé" sa fille dans son mal-être.

"C'est un soulagement pour les parents de se rendre compte qu'ils ne sont plus seuls à lutter contre ces phénomènes envahissants dans leur foyer", a commenté Justine Atlan, directrice générale de l'association e-Enfance.

TikTok assure pourtant régulièrement faire de la sécurité des jeunes "sa priorité absolue" grâce entre autres à une modération dopée à l'intelligence artificielle qui permet de supprimer proactivement les contenus enfreignant ses conditions d'utilisation.

Interrogé par l'AFP, le réseau social n'a pas réagi dans l'immédiat.

Au-delà des contenus nocifs, les autres impacts négatifs du réseau sur les mineurs incluent perte de l'attention et de la concentration, perturbation du sommeil ou problèmes d'estime de soi, en particulier pour les adolescentes, détaille Mme Miller.

- Proposition de loi -

Pour y remédier, le rapport propose l'instauration d'un "couvre-feu numérique" pour les 15-18 ans, rendant les réseaux sociaux inaccessibles de 22H00 à 08H00, ainsi qu'une vaste campagne d'information sur leurs risques, suivie de la création d'un "délit de négligence numérique" pour "les parents irresponsables".

L'interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans est un cheval de bataille du président Emmanuel Macron.

De récentes lignes directrices de la Commission européenne ont "ouvert la porte à une réglementation nationale", dont "la clé est la mise en place d'un dispositif de vérification de l'âge à l'inscription", selon Laure Miller.

La France fait partie des pays testeront au printemps un outil européen de vérification de l'âge "labellisé et fiable", a-t-elle souligné jeudi.

Les députés de la commission souhaitent désormais porter "rapidement" une proposition de loi "transpartisane", espérant qu'elle obtiendra un large soutien "quels que soient les gouvernements qui arrivent".

"La France peut être un exemple" et "pourquoi pas, le premier pays européen à légiférer sur ces sujets", a espéré Me Boutron-Marmion.