La betterave du futur est semée, il ne reste plus qu'à la récolter

Avec la fin des quotas de sucre, et pour affronter un marché mondial où règne en maître sa grande rivale, la canne à sucre, la betterave française fait l'objet d'un vaste programme visant à améliorer sa compétitivité.

Ce programme de 19 millions d'euros, lancé en 2012 et baptisé Aker, est financé en partie par les sucriers, les semenciers et les betteraviers eux-mêmes, mais aussi par l'Agence nationale de recherche (il fait partie des investissements d'avenir soutenus par l'Etat).

Il vise à doubler le rythme de croissance annuelle du rendement de la betterave en quantité de sucre à l'hectare, pour passer de +2 à +4% par an.

A terme, certains betteraviers espèrent 21 tonnes de sucre à l'hectare, "sachant que l'année dernière, année exceptionnelle, on a eu un peu plus de 15/16 tonnes en moyenne", rappelle à l'AFP Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture à l'Institut national de recherche agronomique (Inra) et chef de projet pour Aker.

"Par rapport à ça, l'objectif qu'on s'était donné, c'était d'accélérer la vitesse de progrès génétique", notamment "en élargissant la variabilité génétique disponible au sein des betteraves sucrières", explique-t-il.

Les 40 à 50 chercheurs mobilisés en permanence sur ce programme ont sélectionné une collection de plantes provenant du monde entier qui, après croisements, ont permis de créer "un ensemble de 3.000 hybrides" semés il y a quelques semaines à peine, selon M. Huyghe.

- Des champs passés entre les grêlons -

Vitesse de germination et de croissance, résistance aux maladies, teneur en sucre de la racine et quantité de sucre produite par unité de surface seront notamment évaluées semaine après semaine, pour élaborer la meilleure betterave possible.

Le contenu du programme est adapté presque continuellement aux nouvelles exigences règlementaires, comme l'interdiction par l'Europe en avril de néonicotinoïdes considérés comme dangereux pour les abeilles: même si les betteraviers espèrent encore obtenir une dérogation, M. Huyghe évoque l'intégration d'une "mesure supplémentaire au regard de la résistance qu'on a sur le virus de la jaunisse", contre lequel protégeaient les substances incriminées.

A compter de la récolte à l'automne prochain, les chercheurs sélectionneront les variétés de betteraves du futur. "L'idée, c'est de préparer la génération de demain", explique Christian Huyghe.

"Cette année, c'est le coup de feu comme dirait un chef dans sa cuisine", relève-t-il en souriant. "On a 60.000 parcelles expérimentales dehors, pour lesquelles il faut un suivi presque toutes les semaines de la structure des plantes, du nombre de plantes, de leur comportement", ajoute-t-il, évoquant l'utilisation d'un drone et d'un tas d'autres méthodes.

"Petit moment de stress", au printemps: "le temps était épouvantable, on n'arrivait pas à semer", raconte-t-il. Finalement, des Hauts-de-France à la Sologne, les semis ont été réalisés dans de bonnes conditions. "Pour le moment, malgré les orages de grêle, aucun des sites n'a eu de dommages jusqu'à aujourd'hui."

Il attend impatiemment octobre prochain, stade de la récolte: "C'est là qu'on saura si on a un progrès très élevé ou un progrès pas très élevé. Mais la probabilité qu'il n'y ait pas de progrès, elle est de zéro".