Josef Aschbacher, "homme de Copernicus" et nouveau directeur de l'ESA

Josef Aschbacher, nommé jeudi à la tête de l'Agence spatiale européenne (ESA), est un scientifique respecté, fin politique, et surtout "l'homme de Copernicus", le programme phare de l'agence pour l'observation de la Terre.

A 58 ans, cet Autrichien docteur en sciences naturelles de l'Université d'Innsbruck, succèdera le 1er juillet 2021 à l'Allemand Jan Wörner, pour un mandat de quatre ans.

Il prendra la tête d'une agence qui compte 22 Etats membres, et dotée d'un budget de plus 6,6 milliards d'euros en 2020, avec des activités allant de la surveillance de la planète au système de positionnement par satellites Galileo, en passant par la recherche, les transports spatiaux et de futures missions vers la Lune puis Mars.

"J'ai hâte, c'est un énorme défi mais je suis confiant. L'Europe a déjà beaucoup fait et a beaucoup à offrir" pour le spatial, s'est réjoui Josef Aschbacher lors d'une conférence de presse, à l'issue du Conseil de l'ESA qui l'a nommé directeur-général.

Parmi ses chantiers prioritaires, il a cité les relations entre l'Union européenne et l'ESA, qui financent en commun certains programmes, comme Galileo (navigation par satellite), et Copernicus. Ces relations seront "cruciales" pour le positionnement de l'ESA, dont certains membres (Royaume-Uni, Norvège, Suisse) ne font pas partie de l'UE, a souligné le futur dirigeant, qui "espère" notamment que le Royaume-Uni continuera à contribuer à Copernicus.

Josef Aschbacher dirige actuellement les programmes d'observation de la Terre de l'ESA, avec quinze satellites en opération et 40 en développement, est "l'homme de Copernicus", "avec l'idée que l'espace est au service de la protection durable de la planète", selon les mots de Stéphane Israël, Pdg d'Arianespace.

Professionnel respecté, il a contribué à porter le programme Copernicus sur les fonts baptismaux en 1998, quand l'ESA --avec les principales agences spatiales nationales-- et la Commission européenne lancent une initiative pour relever le défi du protocole de Kyoto, visant à combattre le changement climatique.

"Avec l'idée que c'est bien de conclure des accords internationaux, mais que c'est mieux de pouvoir en vérifier leur application avec des moyens satellites", dit à l'AFP Vincent-Henri Peuch, actuel directeur du Service de surveillance de l'atmosphère Copernicus (CAMS).

Il faudra seize ans pour concrétiser l'aventure, initiée avec le scientifique français José Hachache, jusqu'au lancement en avril 2014 du premier satellite Sentinel. On en compte huit aujourd'hui, qui surveillent aussi les terres et les mers, la surface végétale et l'atmosphère. Et auxquels s'ajoute une pléiade d'autres instruments spatiaux et terrestres d'observation du climat.

- Fédérateur -

Pour mener à bien ce programme, il aura fallu en 2011-2012 "un vrai plan de bataille", se souvient Mr. Israël, -alors chez Airbus-, qui a travaillé avec lui pour convaincre la Commission européenne et les Etats membres de conserver son financement, alors menacé, dans le budget principal de l'UE.

Josef Aschbacher "a montré dans ces circonstances sa capacité à fédérer les acteurs, à agir avec méthode et efficacité", dit-il à l'AFP. Tout comme en 2019, en sachant "rassembler et convaincre autour de ce programme" les ministres chargés des affaires spatiales des Etats membres de l'UE, qui consentent alors à Séville un effort financier particulier à Copernicus et au budget de l'ESA en général.

Cette capacité à travailler avec les politiques, clients de Copernicus, comme avec les industriels, ne doit rien au hasard, mais à son passage dans les années 1990 au Centre de recherche commun de la Commission européenne, en Italie.

Grâce à ce "pas de côté", comme le dit Vincent-Henri Peuch, il a une vision de Copernicus "comme un objet servant des applications et leurs utilisateurs et pas seulement une avancée technologique".

En prenant la tête de l'Institut européen de recherches spatiales (ESRIN) en 2016, cet "homme facilement abordable (...) qui aime bien mouiller la chemise dans les séances de travail", a par exemple créé le Phi-Lab, un laboratoire axé sur l'intelligence artificielle pour notamment "trier les données (des satellites) et développer des applications ".

La directrice générale du Centre européen de prévision météorologique à moyen-terme (ECMWF), Florence Rabier, a salué l'arrivée d'un "européen convaincu", "porté par sa vision de l'observation de la Terre et du rôle de l'Europe comme leader dans ce domaine".