JO-1992: les Jeux ont fait gagner "30 ou 40 ans" à la Savoie, assure Barnier

"Grâce à eux, on a gagné 30 ou 40 ans en termes d'infrastructures", estime Michel Barnier, co-président du comité d'organisation des Jeux olympiques 1992 d'Albertville. Pour l'AFP, il revient sur une quinzaine "magique" qui transforma la Savoie.

QUESTION: Comment est née l'idée?

REPONSE: "Il y a 40 ans, Claude Collard, patron du Comité olympique français à l'époque, est venu me voir à l'Assemblée nationale, où j'étais député de la circonscription, pour me suggérer une candidature. Je connaissais mal le monde olympique, mais je me suis aussitôt rapproché de Jean-Claude Killy. Je me souviens très bien d'un dîner autour d'une fondue, le 5 décembre 1981 à Val d'Isère, lors duquel on a décidé de se lancer dans l'aventure."

Q: Quels étaient alors les atouts et les handicaps de la Savoie?

R: "C'était déjà un domaine skiable formidable, mais il n'y avait ni patinoire, ni piste de bobsleigh, ni tremplin de saut. Et le grand problème de la vallée de la Tarentaise, c'était les bouchons tous les week-ends, notamment en février, sur la route des stations. Les Jeux étaient un moyen de relever rapidement ces défis: grâce à eux, on a gagné 30 ou 40 ans en termes d'infrastructures."

Q: Comment s'est déroulée la phase de candidature?

R: "Il y a eu un avant et un après 1984. Cette année-là, quand on se rend aux Jeux d'hiver de Sarajevo avec Jean-Claude, on s'aperçoit que dans la bataille olympique mondiale, notre démarche est encore artisanale. On passe alors au braquet supérieur, en faisant appel à des sponsors pour augmenter le budget. Dans le même temps, Paris se lance dans la course pour les Jeux d'été de 1992, face à Barcelone. Avec cette double candidature française, il y avait un risque de n'avoir rien du tout. On a finalement gagné le 17 octobre 1986 à Lausanne."

Q: Quels souvenirs gardez-vous des Jeux?

R: "Le grand moment, ce fut la cérémonie d'ouverture de Philippe Decouflé. Avec un coup de bol formidable: la météo. Sept jours avant, nous assistions à une répétition et on n'y voyait rien à cause du brouillard. On s'est dit: +Si samedi prochain c'est pareil, on est foutus+. Une semaine plus tard: aucun nuage et une cérémonie superbe. Le lendemain, c'était la descente hommes à Val d'Isère, la grande épreuve à laquelle Jean-Claude tenait beaucoup, et plein d'autres moments magiques ensuite."

Q: Quel héritage ont laissé les Jeux?

R: "On a eu un déficit léger, lié notamment au surcoût de la piste de bobsleigh. Mais 30 ans après, les équipements sportifs conçus pour durer --la piste de bob, les tremplins de saut, les patinoires-- fonctionnent toujours. Des sites d'accueil ont été reconvertis, en prison ou en lycée professionnel par exemple. Les infrastructures les plus durables ont été les accès routiers et l'arrivée du TGV à Bourg-Saint-Maurice. Et il y a l'impact immatériel: la fierté et l'envie d'accueillir d'autres grandes compétitions, comme nous l'avons fait depuis en Savoie."

Q: Que pensez-vous de l'idée d'accueillir les JO-2030 dans les Alpes?

R: "C'est une idée à laquelle réfléchit le président de la région Laurent Wauquiez. Je ne veux pas parler à sa place. Mais je pense toujours ce que je disais il y a 40 ans aux Savoyards: +Même si l'on perd, on aura gagné+. C'est gagnant-gagnant, une candidature olympique. Après Chamonix en 1924, Grenoble en 1968 et Albertville en 1992, les deux Savoie plus l'Isère seraient un formidable terrain pour organiser à nouveau des Jeux et revivifier notre attractivité touristique."

Propos recueillis par Pierre PRATABUY