Coupe afro et boucles d'oreille créoles, Jessy Mandilou est tout sourire: à 26 ans, elle a reçu jeudi le prix "jeunes" du concours d'entrepreneurs financés grâce à un microcrédit de l'Adie, l'Association pour le droit à l'initiative économique.
En 30 ans, l'association a financé 155.000 entreprises, avec un prêt moyen de 4.000 euros. Outre le prix "jeunes" qui est doté de 2.500 euros, Jessy Mandilou a obtenu un crédit de 2.106 euros exactement, pour lancer sa petite entreprise de "community management" et "web marketing".
"C'est plein de mots anglais, désolée", s'excuse-t-elle devant le parterre de cols blancs venus assister à la remise des prix Créadie à la Banque de France.
Rien ne la prédestinait à construire des sites internet et à promouvoir la "réputation en ligne" de ses clients: ses parents, "qui ne comprennent rien à internet", rêvaient plutôt de la voir salariée, ou mieux encore fonctionnaire.
C'est la maison de l'emploi de Villeneuve-d'Ascq (Nord) où elle habite qui l'oriente vers l'Adie. "Je n'aurais jamais obtenu un prêt auprès d'une banque, j'étais +interdit bancaire+ pour un prêt étudiant que je n'arrivais pas à rembourser", explique-t-elle.
Grâce au prêt Adie et à 1.000 euros accordés par la Maison de l'emploi, elle achète du matériel et lance ses démarches de prospection. Surtout, elle est accompagnée par l'un des 1.400 bénévoles de l'Adie, qui l'aide "à dédramatiser". Parce que les débuts sont laborieux: beaucoup de démarches administratives, des réponses qui tardent, la carte bancaire qui n'arrive pas, bref, "des hauts et des bas".
"Je décolle vraiment depuis janvier, alors que j'espérais démarrer en août dernier", dit-elle. Le prix "jeunes" va lui permettre d'acheter un super ordinateur.
Comme Jessy, Youcef, Saida ou Ivan figurent parmi les prix 2019 de l'Adie, pour des projets qui auraient difficilement trouvé grâce auprès d'un banquier. Ivan Purri raconte dans un italien volubile le succès de son restaurant dans une commune de 4.000 habitants (Montalieu-Vercieu en Isère). Il emploie 11 salariés, 18 mois après l'ouverture.
Youcef Morabet vient d'embaucher son premier salarié dans un salon de thé dans un quartier "politique de la ville" à Besançon. Saïda Hassabi, qui a fui Kaboul à 14 ans et a travaillé vingt ans comme aide-soignante en hôpital psychiatrique a lancé son activité de traiteur à Lyon, joliment nommée "Kaboulyon".
L'Adie a pour objectif de rendre l'entrepreunariat accessible à tous: 43% des 17.000 entrepreneurs financés en 2018 vivaient sous le seuil de pauvreté, un quart n'avaient pas de diplôme. 45% des porteurs de projets sont des femmes, contre 28% de l'ensemble des créateurs d'entreprises en France.