Insectes contre ravageurs: le biocontrôle s'attaque aux grandes cultures

Depuis trente ans, les agriculteurs savent utiliser des insectes pour lutter contre les ravages commis sur leurs productions par d'autres insectes. Mais malgré ses avantages, le biocontrôle ne s'est jamais imposé en grandes cultures: trop compliqué et trop chronophage.

"Si on veut développer le biocontrôle, il faut le simplifier et donc le mécaniser", souligne Franck Escales, directeur régional de Bioline AgroSciences, pionnier français de cette technologie.

Par une belle matinée de juin, dans les vastes plaines bordant l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry, un quad enjambeur parcourt à vive allure les rangs de jeunes maïs, crachant tous les vingt mètres une petite boîte de carton.

A l'intérieur: 10.000 oeufs d'insectes infestés par la larve du trichogramme. Une microguêpe de 0,8 millimètre de long qui, à peine éclose, ira pondre dans les oeufs de la pyrale du maïs, un papillon qui est le principal ravageur de cette importante culture.

L'oeuf de pyrale parasité ne se développera pas, permettant à l'agriculteur de se passer, ou du moins de réduire fortement, sa consommation de produits phytosanitaires.

En refroidissant les larves de trichogrammes dans son usine de Livron-sur-Drôme (Drôme), Bioline sait séquencer à sa guise l'éclosion des microguêpes. Une boîte peut ainsi en contenir quatre "générations" qui vont naître successivement pendant un mois, durée de prolifération des pyrales.

Jusqu'ici les plaquettes contenant les oeufs parasités devaient être attachées à la main au plant de maïs. Ce qui permettait au mieux de traiter 4 à 5 hectares de l'heure. Injouable pour les grandes exploitations, d'autant que la "fenêtre de tir" pour implanter le dispositif est très courte. "Cela se joue à quelques jours près", explique Sébastien Rousselle, directeur du marketing de Bioline.

La mécanisation permettrait elle de traiter jusqu'à 30 hectares par heure.

- Test à grande échelle -

La grande innovation, fruit d'années de recherches et de tâtonnements, est en fait... la modeste boîte en carton contenant les oeufs parasités.

Elle est en effet conçue de telle sorte que les larves qu'elle abrite puissent survivre à des températures du sol supérieures à 40 degrés, fréquentes en été mais mortelles pour ces organismes. Et dès lors que ces boîtes peuvent être déposées à même le sol, des solutions de mécanisation peuvent être envisagées.

Le traitement peut être largué depuis un drone ou un hélicoptère, mais cette solution est complexe à mettre en oeuvre et sujette aux caprices de la météo. D'où l'avantage du quad enjambeur utilisé près de Lyon: il permet de traiter par tous temps une parcelle quelle que soit la hauteur des maïs.

Cette première campagne de tests à grande échelle porte sur 900 hectares, indique Damien Ferrand, responsable du développement d'Oxyane, coopérative régionale basée à Pusignan (Rhône) partenaire de l'expérimentation.

Oxyane est l'un des actionnaires du groupe InVivo, géant de la coopération agricole française qui possède à son tour Bioline (250 salariés et 50 millions d'euros de chiffre d'affaires).

Quand une parcelle est infectée par la pyrale, les pertes de rendements peuvent atteindre 221 euros l'hectare pour le maïs grain et 416 euros/hectare pour le maïs fourrage (à raison d'un pied sur deux touché), affirme la coopérative.

L'objectif est de faire tomber le coût du biocontrôle à 45-50 euros l'hectare grâce à la mécanisation, ce qui est "compétitif par rapport à une solution chimique", ambitionne M. Ferrand.

La marge de progrès existe: les solutions de biocontrôle ne représentent à ce jour qu'un quart du marché français de la protection du maïs.

- Tordeuse et mineuse -

Les trichogrammes sont des organismes "hyperspécifiques", prédateurs naturels d'un seul type d'insecte, note M. Rousselle.

"C'est à la fois un avantage - ils ne vont pas s'attaquer à des organismes non cibles - mais aussi un inconvénient - on ne peut pas avoir un seul trichogramme efficace contre plusieurs ravageurs". "Pour d'autres insectes, il faut donc aller chercher dans la nature d'autres espèces de trichogrammes".

Dans ses collections, Bioline dispose de trichogrammes capables de lutter contre la tordeuse de la vigne, la pyrale du buis, la mite alimentaire ou la mineuse de la tomate... "Mais l'essentiel des débouchés reste la lutte contre la pyrale du mais", relève M. Rousselle.

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