Le nématode du pin, ver ravageur qui a déjà sévi au Portugal et en Espagne, a fait son apparition dans la forêt des Landes, l'une des plus vastes d'Europe, où la filière sylvicole redoute une prolifération "dévastatrice".
"En terre landaise, on était très inquiets depuis quelques années et ce matin, je me suis dit : +et voilà+", déplore auprès de l'AFP Anne Guivarc'h, directrice générale de la Fédération des industries du bois de Nouvelle-Aquitaine (Fibna).
Le ministère de l'Agriculture a annoncé mardi qu'un foyer de ce ver microscopique, qui constitue "un sérieux danger" pour les conifères mais ne présente "aucun risque pour la santé humaine et animale", avait été détecté pour la première fois en France, à Seignosse (Landes).
Cet organisme classé "de quarantaine prioritaire" par la législation européenne constitue "une menace sanitaire majeure pour les massifs résineux de la région", indiquait au printemps une note de la Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) en Nouvelle-Aquitaine.
Dans la filière, "notre crainte, c'est qu'on arrête tout", abonde Anne Guivarc'h, évoquant le protocole d'urgence qui prévoit une vaste zone tampon autour de la zone infestée. "Vous pouvez imaginer le nombre d'arbres..."
Le massif des Landes de Gascogne, qui recouvre plus d'un million d'hectares dans les départements des Landes, de la Gironde et du Lot-et-Garonne, est composé à 75% de pins maritimes, dont dépend l'essentiel de l'industrie sylvicole : une propagation du nématode serait "dévastatrice", selon la filière, "comme celle du scolyte sur l'épicéa dans le Grand Est".
Après avoir réuni les acteurs concernés, le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine a interdit la circulation des bois et écorces des espèces de résineux sensibles, ainsi que tous travaux d'exploitation forestière, dans une zone de 20 kilomètres autour du foyer détecté, où ces arbres occupent une superficie de 36.000 hectares.
"Des opérations de prospections et de prélèvements sont en cours pour définir des mesures de lutte", précise la préfecture.
- Mort rapide de l'arbre -
Ce ver (Bursaphelenchus xylophilus), originaire d'Amérique du Nord, attaque de nombreux conifères, en particulier les pins, et se transmet par un insecte vecteur de type coléoptère. Sa prolifération bloque la circulation de la sève, conduisant à une mort rapide des arbres infestés.
Après avoir fait des dégâts au Japon, puis en Chine et en Corée, il fut détecté en 1999 au Portugal, où il aurait été introduit à travers un pavillon asiatique à l'Exposition universelle de Lisbonne, relate Marc Kleinhentz, ingénieur généticien à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).
Un plan d'abattage massif avait été mis en oeuvre: selon le gouvernement portugais, un million d'arbres avaient déjà été coupés en 2008, année où le nématode gagnait l'Espagne malgré les zones tampon.
En Nouvelle-Aquitaine, la Draaf avait appelé au printemps à "la plus grande vigilance sur les mouvements de bois de résineux ou de marchandises (...) utilisant des palettes en bois pour leur transport, en provenance d'Espagne ou du Portugal".
Selon Anne Guivarc'h, le nématode a été détecté dans les Landes au sein d'une parcelle forestière, "pas sur un produit fini comme une palette". "On ne sait pas comment il est arrivé", dit-elle.
Le coléoptère vecteur de sa propagation est le Monochamus galloprovincialis. "Ils vivent plusieurs semaines et sont capables de disperser les nématodes sur plusieurs centaines de mètres, plusieurs kilomètres", explique Marc Kleinhentz. Ces derniers, eux, ont "des capacités de reproduction très fortes" et se multiplient en quelques jours au sein de l'arbre.
"Le seul truc positif, c'est qu'on est en période froide. Ce n'est pas la saison de la propagation du monochamus", relève la responsable de la filière bois.
Pour Éric Dumontet, secrétaire général du Syndicat des sylviculteurs, le nématode est "un problème sanitaire majeur qui nécessite une action rapide et coordonnée". Mais il estime que la filière a été avertie "suffisamment tôt" pour agir en vue de l'éradiquer.