L'autorisation provisoire d'un herbicide "très toxique pour les organismes aquatiques" destiné à la riziculture inquiète en Camargue: les écologistes demandent "l'abrogation immédiate de la dérogation accordée" et la maire des Saintes-Maries-de-la-Mer réfléchit à saisir la justice administrative.
Dans sa décision en date du 14 mars, le ministère de l'Agriculture autorise la mise sur le marché de l'Avanza jusqu'au 11 juillet, indiquant que ce pesticide est "très toxique pour les organismes aquatiques" et "entraîne des effets néfastes à long terme".
C'est la quatrième année consécutive que le ministère octroie cette dérogation à la demande du syndicat des riziculteurs, a précisé à l'AFP le cabinet de la ministre déléguée Agnès Pannier-Runacher.
La maire Les Républicains des Saintes-Maries-de-la-Mer, Christelle Aillet, a appris "avec incompréhension et effarement" cette décision.
Elle explique dans un communiqué que même s'il est stipulé que la pulvérisation doit s'effectuer "en dehors d'un périmètre de protection de captage pour l'alimentation en eau potable", l'évacuation des eaux usées agricoles se fait vers "les étangs du système Vaccarès, soit vers le Rhône et le Petit Rhône", précisément où se situe la zone de captage de l'eau potable de sa ville.
"En l'absence de garantie ou d'éclaircissement, la commune se réserve le droit d'attaquer en référé suspension cette décision devant la justice administrative", ajoute-t-elle.
Les Ecologistes de Provence-Alpes-Côte d'Azur réclament eux dans un communiqué "l'abrogation immédiate de la dérogation accordée", dénonçant "une grave atteinte portée à la santé humaine comme à la biodiversité animale et végétale".
"Les eaux ainsi polluées ne peuvent dès lors plus servir à alimenter en eau douce l'étang de Vaccarès - qui présente déjà une salinité trop importante - et les nombreuses fuites non contrôlables autorisent la dissémination des substances toxiques dans l'environnement", relèvent-ils.
Sur la toxicité, "toute la question est de savoir à quelle dose on l'utilise et dans quelles conditions", insiste le cabinet de la ministre, et des consignes "strictes" sont données "pour éviter au maximum les impacts environnementaux et pour la santé publique".
Le gouvernement n'envisage pas "à ce stade" de revenir sur la dérogation car il s'agit d'un "produit vraiment nécessaire pour les riziculteurs de la Camargue qui n'ont à leur disposition que six substances actives" quand l'Inde et le Pakistan, d'où la France importe près de 40% de sa consommation en riz, "en ont 31".
La Grèce, l'Italie, le Portugal et l'Espagne ont également mis en place cette dérogation, selon cette même source.
Interrogé par l'AFP, le syndicat des riziculteurs de France précise que la filière utilise l'Avanza face "aux impasses", "quand on a une invasion de mauvaises herbes et pas d'autres solutions phytosanitaires".
Son président Bertrand Mazel s'inquiète de ce qu'il considère comme un "procès d'intention" qui pourrait "flinguer une filière". "Si dans certains pays, ils utilisent beaucoup plus de pesticides (...) et qu'en France on arrête la production et qu'on importe, est-ce qu'on va régler le problème?", s'est-il interrogé auprès de l'AFP.
Le problème est d'ailleurs plus large en Camargue, selon lui, où la gestion de l'eau est un enjeu crucial face à la salinisation des terres liée au réchauffement climatique.