Inégalités, innovation, environnement: un rapport se penche sur le rôle de la fiscalité

Comment remettre dans le débat la fiscalité environnementale? Quel rôle des impôts dans la réduction des inégalités? Comment améliorer le soutien à l'innovation? Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) délivre ses recommandations sur le rôle de la fiscalité pour la sortie de crise.

"Le débat sur les prélèvements obligatoires est un des principaux enjeux économiques, mais aussi citoyen et démocratique de notre époque", a estimé Pierre Moscovici, président du CPO, et premier président de la Cour des comptes, lors d'un point de presse pour présenter ce rapport sur les "trois enjeux fiscaux majeurs en sortie de crise sanitaire".

Avec la situation dégradée des finances publiques, il est probable que les impôts ne pourront plus beaucoup baisser, mais "une fiscalité mal calibrée c'est un handicap pour la création de richesse", a-t-il souligné.

Inégalités: clarifier le rôle de l'impôt

Premier thème abordé par le rapport, la question des inégalités, qui s'impose par "leur augmentation spectaculaire", selon Pierre Moscovici.

La politique redistributive qui permet de réduire les inégalités de revenus repose essentiellement sur la dépense publique, via les transferts sociaux (allocations, retraites, etc.) versés aux ménages, souligne le rapport.

A l'inverse, les impôts ont en France un rôle direct "marginal" en la matière.

Si les ménages modestes ne sont redevables que de peu ou pas d'impôt direct, ils sont en revanche davantage soumis à la TVA en proportion de leurs revenus.

Mais ce sont aussi les prélèvements qui permettent de financer ces dépenses, rappelle le CPO, alors que certains économistes appellent à modifier le système fiscal pour le rendre plus redistributif (rétablissement d'un impôt sur la fortune, réforme des droits de succession, etc.)

S'il ne souhaite pas trancher sur ce sujet, le rapport juge nécessaire d'"améliorer la lisibilité des outils fiscaux" afin de "mieux éclairer les décisions" politiques.

Rendre "acceptable" la fiscalité environnementale

Le rapport tente de résoudre le dilemme entre la nécessité d'utiliser la fiscalité pour lutter contre le réchauffement climatique, et les "résistances" autour de la fiscalité environnementale, telles qu'elles se sont manifestées lors du mouvement des gilets jaunes.

"Nous sommes dans un moment particulier, où on a à la fois une très forte ambition (environnementale) affichée et un quasi blocage de fait", souligne Pierre Moscovici.

Le CPO pointe notamment la responsabilité des gouvernements successifs qui ont entretenu une "ambiguïté" des objectifs poursuivis par la fiscalité environnementale, avec d'une part "le rendement budgétaire" qui en était attendu, et d'autre part "la modification des comportements des ménages".

Pour résoudre cette équation, et en étudiant les choix d'autres pays, le CPO propose notamment de flécher spécifiquement les recettes de la fiscalité environnementale au soutien des ménages modestes et au financement d'investissements verts.

Une affectation des recettes, en contradiction avec le principe de non affectation est défendu de longue date par la Cour des comptes, mais qui mérite "d'être réexaminé au moins pour les prélèvements qui présentent une acceptabilité fragile", comme la fiscalité environnementale, selon Pierre Moscovici.

Réformer le Crédit impôt recherche

Serpent de mer des débats budgétaires ces dernières années, le crédit impôt recherche (CIR) qui coûte plus de 6 milliards d'euros par an à l'Etat, doit être repensé pour "mieux maîtriser" son coût et améliorer son efficacité, juge la CPO, dans le sillage de multiples rapports critiques émanant d'économistes ou de parlementaires.

Il permet aux entreprises de déduire de l'impôt sur les sociétés 30% de leurs investissements en recherche et développement dans la limite de 100 millions d'euros, et 5% au-delà. Le CPO préconise de réduire ce plafond de 100 millions d'euros.

Une recommandation soutenue "à l'unanimité" des membres du CPO a insisté Pierre Moscovici.

Le surcroît de recettes fiscales dégagé - jusqu'à 1,6 milliard d'euros, selon un des scénarios étudiés par le CPO - pourrait être affecté à d'autres aides en faveur de l'innovation ou à la recherche publique.

Le CIR a été légèrement raboté en 2020, mais interpellé à plusieurs reprises, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a toujours défendu le dispositif et la stratégie de "stabilité fiscale" portée par le gouvernement.

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