Impossible d'avoir peur: pour Tondelier et Rousseau, le combat politique malgré la violence

"Avoir peur, c'est pas possible, il y a urgence à agir": Marine Tondelier, cheffe d'Europe Ecologie les Verts, et Sandrine Rousseau, députée écoféministe, insultées et prises à partie lundi dans l'Aude, témoignent à l'AFP des violences dont elles sont la cible et de leur détermination à poursuivre leur combat.

"Je vais pouvoir m'engager dans le GIGN": c'est par l'humour que Marine Tondelier raconte comment elle et sa collègue députée ont dû courir à travers champs, sac sur le dos, pour échapper lundi à des vignerons en colère qui les ont insultées et voulaient les empêcher d'accéder à un domaine viticole.

Ce n'est pas la première fois que les deux écologistes sont la cibles de menaces, d'agressions ou d'insultes.

Marine Tondelier, 36 ans, qui a longtemps subi les intimidations de l'extrême droite à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) ville RN où elle est élue d'opposition, a été menacée fin mars par des militants de la Coordination rurale dans le Lot-et-Garonne. Elle a porté plainte et une information judiciaire a été ouverte.

La cheffe des écologistes savait que son mandat, entamé en décembre, "ne serait pas une promenade de santé". Mais elle se disait: "je viens d'Henin-Beaumont, j'ai tout vu. Mais en fait non", raconte-t-elle à l'AFP.

Elle estime qu'on la cible "pour l'écologie, ils disent qu'ils veulent se venger de l'agribashing sur moi". Mais elle met au défi quiconque "de trouver quelque chose que j'aurais dit". "C'est de l'ordre du préjugé", défend cette petite-fille d'agriculteurs, qui entend bien poursuivre le dialogue avec la profession.

Elle considère que cette violence vient principalement "des cinglés d'extrême droite" avec "des attitudes très virilistes".

Car être "jeune", "femme", "politique" et "écologiste", "c'est collector", admet-elle.

Pour Sandrine Rousseau, 51 ans, ces menaces, agressions et intimidations, "c'est non stop", dit-elle, depuis qu'elle s'est relancée en politique avec la primaire des écologistes, à l'automne 2021.

Connue pour sa radicalité écologique, ses positions féministes tranchées et ses accusations de violences psychologiques contre son collègue Julien Bayou, elle focalise la haine contre elle: menace de viols, messages insultants sur les réseaux sociaux, perturbations de ses conférences, et même violence à l'Assemblée nationale, où des députés "couvrent ma voix" dans l'hémicycle.

Comment explique-t-elle ces comportements ? "Je dérange un système. Je suis une femme écologiste et féministe. Surtout féministe, c'est ça qui perturbe le plus".

"Dans ce monde fait pour les hommes et dans une société productiviste, je leur dit +votre modèle n'est plus premier+", analyse-t-elle, voyant elle aussi dans ces attaques "une stratégie de l'extrême droite".

- "Ouvrir la porte" -

La députée a déjà obtenu trois condamnations pour menaces de mort et de viols. Mercredi, elle a reçu un autre courrier de menace. "Un collage de centaines de coupures de presse. La personne a dû passer des heures à faire ça", détaille Mme Rousseau qui s'interroge: "jusqu'où vont-ils aller ?".

Mais elle continue. "Quand ce ne sera plus moi, ce sera d'autres", dit-elle, expliquant que ce qui la fait tenir "c'est le sentiment d'ouvrir la porte pour que d'autres s'engouffrent derrière et viennent en politique, des femmes, des jeunes, des féministes".

"Je ne lâcherai pas l'affaire", abonde Marine Tondelier.

Alors à chaque fois qu'elle est prise à partie, elle "reste calme, essaie de dialoguer jusqu'au bout, fait preuve d'un peu d'humour quand c'est possible".

Ce genre de menaces et d'intimidations "a toujours suscité chez moi beaucoup de détermination", assure-t-elle. "Les causes qu'on défend sont bien plus grandes que ça".

"La réalité c'est qu'on le fait aussi pour les femmes qui ont peur de s'engager en politique, pour les copains locaux qui peuvent être les prochains sur la liste, pour les élus locaux" de plus en plus ciblés, décrypte-t-elle.

Sandrine Rousseau continue aussi de sortir et de prendre les transports en commun. Sans protection particulière, elle compte sur l'aide de tous ceux qui la soutiennent. "C'est ça aussi qui fait tenir, c'est très important".

"Parfois c'est dur", concède-t-elle, "mais si on commence à avoir peur, on arrête, et ça c'est pas possible en fait. Il y une urgence à agir".