Il y a 15 ans, "l'électrochoc" Xynthia bousculait la prévention des risques de submersion

Quarante-sept morts, des "zones noires" littorales déclarées inhabitables. Il y a 15 ans, le passage de la tempête Xynthia a provoqué un "électrochoc" en France et conduit à renforcer les politiques de prévention des risques de submersion.

"Des plans de prévention des risques existaient auparavant, mais l'électrochoc Xynthia a rebalayé les cartes au niveau national", affirme Marc Robin, responsable scientifique de l'Observatoire régional des risques côtiers des Pays de la Loire.

Autre "prise de conscience" selon lui: l'adaptation nécessaire de la doctrine au changement climatique. "Cette tempête n'était pas si exceptionnelle en terme de force mais elle a été concomitante à la marée haute. On s'est dit: +si les dégâts sont tels, qu'en sera-t-il avec l'augmentation du niveau de la mer?+"

Balayant la côte atlantique dans la nuit du 27 au 28 février 2010, Xynthia avait provoqué la mort de 47 personnes sur le littoral français.

A La-Faute-sur-Mer, village vendéen de quelques centaines d'âmes, 29 personnes sont mortes, prises au piège de la tempête dans un quartier situé en contrebas de digues qui n'ont pas suffit à la contenir.

"Le lotissement de la peur, de la honte, de la mort", énumère Laurent Roblet, pêcheur retraité de 60 ans qui fut l'un des premiers à découvrir l'ampleur des dégâts à l'aube du 28 février. Naviguant en barque vers le quartier inondé, il croise plusieurs cadavres avant d'atteindre les survivants qui attendent sur les toits, transis de froid.

- "Culture du risque" -

Le lotissement a depuis été déclaré "zone noire", inhabitable. Dans la commune, plus de 600 maisons ont été détruites, dont celle de Laurent Roblet.

"Xynthia a été l'acte zéro de la recomposition territoriale. On a commencé à s'interroger sur l'opportunité d'arrêter, cette fois-ci en amont, avant la catastrophe, de renforcer systématiquement les défenses dans les zones les plus à risque pour plutôt déplacer les enjeux", explique Marc Robin.

Cette stratégie, qui se heurte souvent à l'incompréhension des populations concernées, implique selon lui une profonde "culture du risque".

A La-Faute-sur-Mer justement, depuis 15 ans, "la culture du risque n'est plus du tout la même", affirme Laurent Huger, actuel maire de l'Aiguillon-la-Presqu'île (qui regroupe désormais les communes de La-Faute-sur-Mer et de L'Aiguillon-sur-Mer). Et "il ne faut pas la laisser s'étioler au fil des années", ajoute l'édile.

Tout le système d'endiguement de la commune a été revu après la tempête, comme le plan local d'urbanisme (PLU) qui impose désormais par endroit "étage ou zone refuge", explique Laurent Huger.

Un peu partout dans la commune, des "repères de crues" à hauteur des plus hautes eaux rafraîchissent la mémoire de qui oublierait les risques et les dégâts. Devant la stèle érigée en souvenir des victimes, le repère, pris dans les branches du pin voisin, culmine à près de trois mètres.

- "Vigilance" -

Dans un bilan publié neuf ans après la tempête, le ministère de la Transition écologique estimait que celle-ci avait conduit à "orienter les évolutions de la prévention des inondations à l'échelle nationale" et à la renforcer.

Le premier Plan national Submersion rapide (PSR), lancé en 2011, prévoyait une série d'actions concernant "la maîtrise de l'urbanisation et l'adaptation du bâti existant", "la fiabilité des ouvrages et des systèmes de protection" et "l'amélioration de la connaissance des aléas et des systèmes de surveillance" - en lançant notamment cette année-là la vigilance spécifique "vagues-submersion".

"De nombreuses communes" ont par ailleurs adopté des programmes d'action de prévention des inondations (Papi), des projets d'endiguement ou de renforcement des digues existantes.

Reste que la lutte contre le risque de submersion évolue au fil des années. A Noirmoutier, une digue du 19e siècle rehaussée de plusieurs mètres après le passage de Xynthia a été en partie emportée par la tempête Céline, fin 2023.

Il y a 15 ans, Laurent Roblet avait mesuré 1,65 mètres d'eau à l'intérieur de sa maison. Contraint de déménager, il n'a jamais envisagé de quitter les environs. Dans son entourage, "personne n'est parti": "On garde le souvenir en vie et la vigilance de mise."

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