L'opposition de la présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse (LR) à la gratuité des transports publics est confortée par un rapport d'experts, qui estime qu'une telle mesure "ne répondrait à aucun des enjeux de la mobilité" et coûterait extrêmement cher.
Mme Pécresse, qui dirige également Ile-de-France Mobilités (ex-Stif), l'autorité organisatrice des transports de la région, avait commandé cette étude en avril, après que sa rivale la maire de Paris Anne Hidalgo (PS) avait lancé le débat en évoquant la nécessité de lutter contre la "voiture polluante".
Le rapport "nous a montré que la gratuité des transports publics en Ile-de-France serait une impasse et qu'elle ne résoudrait absolument pas la question de la pollution de l'air qui est une priorité de santé publique pour nous", a-t-elle déclaré mardi devant des journalistes.
Les transports en commun en Ile-de-France "sont saturés et vétustes", a-t-elle souligné.
"Si vous mettez la gratuité, compte tenu de cette saturation, il n'y aura pas de report modal (de la voiture vers les transports publics, NDLR), parce que ceux qui prennent aujourd'hui leur voiture, c'est déjà plus cher pour eux! Donc s'ils le font, c'est parce que soit ils n'ont pas d'offre, soit les transports ne sont pas assez confortables."
"Et ne pas avoir d'argent pour financer des nouveaux transports, c'est une nouvelle impasse", a martelé Mme Pécresse. "Or, on a un énorme besoin de financement."
Elle dit avoir lancé cette étude sans idées préconçues, mais la patronne de la région s'est trouvée confortée en écoutant les conclusions du président du comité Jacques Rapoport.
"La gratuité, idée évidemment attractive, n'est pas en mesure de répondre aux défis qui se posent dans les transports publics et est même de nature à les aggraver", a résumé l'ancien président de SNCF Réseau.
Une telle mesure ne ferait baisser la circulation automobile que d'environ 2%, ce qui n'aurait qu'un effet minime sur la qualité de l'air.
La fréquentation des transports publics, elle, augmenterait de 6 à 10%, au détriment surtout de la marche et du vélo.
- Des milliards à trouver -
Ces nouveaux flux auraient un impact négatif sur la qualité de service des transports collectifs franciliens, avec des effets marqués sur les réseaux de tramways et de bus, notamment en banlieue.
"Sur le métro, la hausse du trafic, bien que semblant modérée (+4%), interviendrait sur des lignes déjà chargées", selon le rapport.
La gratuité, en outre, ne serait pas une mesure d'équité sociale, puisqu'elle profiterait à ceux qui peuvent payer.
"C'est en faisant payer ceux qui le peuvent que l'on peut financer des tarifs sociaux. En Ile-de-France, plus d'un million d'usagers bénéficient de tarifs réduits ou de la gratuité", a relevé M. Rapoport.
Enfin, "nous n'avons identifié aucun financement alternatif qui soit à la hauteur du sujet", 22% des coûts étant actuellement payés par les passagers, a-t-il reconnu.
Les recettes commerciales des transports publics franciliens s'élèvent à 3,3 milliards d'euros par an (dont 2,5 milliards directement payés par les usagers), qu'il faudrait compenser.
Il faudrait donc augmenter les impôts à hauteur de 500 euros par ménage et par an, a-t-il calculé. Sans parler des investissements supplémentaires pour faire face à la hausse de la fréquentation, et de la hausse attendue des coûts d'exploitation, en raison notamment de la mise en service du métro du Grand Paris.
Il paraît en effet impossible d'augmenter à nouveau le "versement transport" payé par les entreprises, déjà porté à 3% de la masse salariale: il entraînerait, selon une évaluation de la direction générale du Trésor la destruction de 30.000 emploi et la perte de 0,7 point du PIB régional.
Le ministre de l'Economie "Bruno Le Maire est le premier à venir me voir pour dire que, pour le Brexit (et attirer des entreprises venues du Royaume-Uni), ça serait bien qu'on baisse le versement transports en Ile-de-France", a ironisé Valérie Pécresse.
Plus généralement, le rapport Rapoport lance plusieurs pistes de réflexion, proposant pêle-mêle une interdiction plus large de la zone interdite aux véhicule diesels, la création d'une plate-forme de covoiturage régionale ou encore la réintroduction de la distance dans la tarification.