Haro sur la bétonisation: l'Assemblée rend sa copie pour rassurer les maires

L'Assemblée nationale a adopté mardi en première lecture des mesures pour rassurer les élus locaux qui craignent de faire les frais de la lutte contre l'"artificialisation des sols", avec notamment la garantie d'un "droit à construire" pour les petites communes.

Le texte a été soutenu par une très large majorité (437 voix contre 4) lors d'un vote solennel, après son examen la semaine dernière. Il va désormais faire l'objet de négociations avec le Sénat à majorité de droite, qui s'annoncent serrées.

Les députés ont en effet remanié plusieurs points du texte adopté mi-mars par les sénateurs. Sous l'impulsion notamment du gouvernement, lui aussi soucieux de répondre à la grogne des élus locaux, mais qui se refuse à remettre en cause le cap de la "zéro artificialisation nette des sols" (ZAN).

Derrière ce sigle, issu de la loi Climat de 2021, un objectif en deux temps: réduire de moitié d'ici à 2031 la consommation d'espaces naturels et agricoles par rapport à la décennie précédente puis, à l'horizon 2050, ne plus bétonner de sols à moins de "renaturer" des surfaces équivalentes.

S'il y a un consensus sur la nécessité de freiner l'artificialisation, destructrice de biodiversité et facteur de réchauffement climatique, la mise en oeuvre suscite la grogne des élus locaux, inquiets d'être privés d'un levier déterminant pour leur développement économique et la création de logements.

D'où ce texte, initié au Sénat par Jean-Baptiste Blanc (LR) et Valérie Létard (centriste), afin de faciliter la tâche des maires. Mais qui ouvrait "trop largement" la porte à l'étalement urbain, selon le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu.

- "Texte de compromis" -

"Je me réjouis du message envoyé par les parlementaires", a réagi le ministre après le large vote de ce "texte de compromis", sur lequel il a obtenu plusieurs évolutions à l'Assemblée.

Exit par exemple un article qui visait à rendre non-contraignants pour les communes les objectifs de réduction du rythme d'artificialisation fixés par les régions. Idem pour un autre assouplissant la définition des surfaces "non artificialisées".

Ces articles du texte sénatorial ne figurent plus dans celui de l'Assemblée et le gouvernement s'est engagé à traiter ces points par décrets.

L'Assemblée a en revanche maintenu le principe d'un décompte séparé des sols artificialisés pour des "projets d'ampleur nationale". L'objectif étant qu'ils ne grignotent pas les enveloppes de bétonisation attribuées à leurs régions d'accueil.

Mais les députés ont créé un "forfait" de 15.000 hectares pour ces grands projets, soustraits de l'enveloppe de 125.000 ha artificialisables fixée pour l'ensemble du pays pour la décennie. L'objectif global pour 2031 demeure ainsi inchangé.

Comme le souhaitait M. Béchu, il est prévu que même les projets estampillés "industrie verte" soient comptabilisés dans le forfait de 15.000 ha.

Ce qui augure d'un bras de fer avec les sénateurs: ils ont justement voté jeudi leur exclusion des objectifs ZAN, lors de l'examen d'un projet de loi sur l'industrie verte.

- "Garantie rurale" -

Parmi les dispositions phares du texte, l'Assemblée a maintenu une autre mesure de "souplesse": un "droit à construire" d'au moins un hectare par commune.

Les députés ont toutefois précisé que cette "garantie rurale" serait réservée aux communes "peu" ou "très peu denses", et couvertes par un plan d'urbanisme intercommunal. Elle serait "mutualisable" avec d'autres communes.

La majorité présidentielle a salué un texte "équilibré".

Les socialistes ont aussi voté pour, se félicitant des corrections de la copie du Sénat. Le communiste Sébastien Jumel a aussi salué des mesures qui vont "desserrer un peu l'étau sur les communes rurales".

Ecologistes et Insoumis se sont eux abstenus.

La "garantie rurale" est "insatisfaisante", a déploré l'écolo Marie Pochon, pour qui la mesure ne prend pas en compte les différences entre communes.

Comme elle, l'insoumis William Martinet a fustigé la persistance des "grands projets inutiles et destructeurs". "Vous n'avez pas défendu le monde rural" mais "un modèle archaïque" basé sur "le triptyque autoroute, parkings, supermarchés", a-t-il lancé en direction de la droite et de l'extrême droite.

Lors des débats, les députés Les Républicains (LR) et Rassemblement national (RN) ont été virulents à l'encontre du principe même du ZAN et ont cherché en vain à en réduire la portée.

Le groupe LR ont voté pour (sauf deux députés), mais "avec un enthousiasme très modéré", selon son patron Olivier Marleix, pour qui le ZAN "condamne à mort le monde rural et à la glaciation les villes moyennes".

Le texte n'apporte que des "améliorations médiocres, mais bonnes à prendre", a estimé de son côté Christine Engrand (RN).