Cadran de montre qui répare ses rayures, spray solaire qui se gélifie sur la peau pour une meilleure protection, implant oculaire à mémoire de forme: initialement créée pour la recherche en chimie, la discrète mais florissante PME girondine Polymerexpert développe désormais ses propres produits pour "gagner du temps".
"En Recherche et développement, entre le moment où on a l'idée et celui où le produit sort, il s'écoule environ dix ans. L'idée est d'arriver avec des produits presque +clefs en main+ pour rassurer l'industriel" et éviter du même coup de mener des années de recherches à fonds perdus, résume son PDG, Marc Dolatkhani.
Or "aujourd'hui, dans un grand groupe industriel, si vous êtes en Recherche et développement et que vous ne faites rien, on vous laisse tranquille. Mais si vous sortez un produit qui ne marche pas, vous êtes viré", assure ce patron âgé de 50 ans, aussi féru de chimie que d'affaires et qui déplore la frilosité de certains entrepreneurs.
Mais que font au juste les 14 employés du site de Pessac (Gironde), sur le campus universitaire de Bordeaux ? "On fabrique des polymères", comme le plastique ou le caoutchouc, sourit M. Dolatkhani. "On prend des petites molécules organiques, qu'on assemble comme les perles d'un collier, pour en faire des matériaux aux propriétés variées. Et les combinaisons sont infinies !", s'enthousiasme-t-il.
Après des débuts dans l'industrie chimique aux Pays-Bas, ce chimiste d'origine iranienne, M. Dolatkhani revient à l'Ecole de chimie de Bordeaux dont il est diplomé, pour y créer en 1997 une structure de transfert de technologies, "ce qui n'était pas très courant" à l'époque.
Couronnée de succès, l'expérience le pousse à fonder sa propre société en 2000, d'abord pour mener des lucratives recherches "sous contrat" pour d'autres entreprises, puis très vite, grâce au "trésor de guerre" ainsi amassé, pour le propre compte de Polymerexpert.
- Dossier de 10.000 pages -
"Travailler avec l'industriel directement permet de gagner du temps et de nouer des relations de confiance: quand on arrive avec des propositions, on est crédibles. Et puis les idées nous viennent en regardant ce que font nos clients. On a développé un produit qui gélifie l'eau pour un client, et on s'est aperçu que rien n'existait pour gélifier l'huile... alors on l'a créé nous-mêmes!", lance le PDG. De quoi intéresser la cosmétique.
Ciment osseux non toxique et à prise rapide pour prothèse de hanche, polymère liquide à température ambiante mais qui devient visqueux à la chaleur du corps (idéal pour un collyre), matériau capable de colmater, en quelques minutes et sans intervention extérieure, un trou jusqu'à un centimètre de diamètre... Polymerexpert a enchaîné les innovations, dont de nombreuses déjà adoptées par ses 270 clients.
Au total, une soixantaine de brevets pour des "matériaux intelligents" ont été déposés depuis la création de la PME, qui a réalisé en 2017 un chiffre d'affaires de 3 millions d'euros (75% à l'étranger), pour un résultat autour de 1,3 million.
En 2015, Marc Dolatkhani a décidé de se lancer dans la fabrication de produits finis, en créant Innolens, filiale spécialisée dans les dispositifs médicaux pour la chirurgie de l'oeil. Grâce à un investissement de 5 millions d'euros, Innolens espère produire dès cet été des implants pour la cataracte, injectables via une incision de seulement 1,8 mm de diamètre.
C'est l'aboutissement d'un parcours du combattant administratif aussi long que coûteux pour une équipe de seulement 14 personnes, souffle M. Dolatkhani. "Pour un seul dispositif médical, il faut remplir 10.000 feuilles de papier!", peste le patron.
Il en a notamment après les "tests de transport", ces "freins à l'innovation" : "Avant même de commencer la production, on est obligé de faire 1.000 produits à 50 euros pièce juste pour les envoyer à l'autre bout du monde et voir s'ils ont bougé...".