Nouvel épisode jeudi à l'Assemblée dans la crise des "gilets jaunes": la gauche soumet Édouard Philippe, pour la deuxième fois depuis son arrivée à la tête du gouvernement, à l'épreuve d'une motion de censure.
Socialistes, communistes et Insoumis n'ont cependant aucune chance de faire tomber le gouvernement, ces élus totalisant 62 voix, loin de la majorité des 577 députés.
Premier signataire, André Chassaigne (PCF) ouvrira à 16H30 les débats, qui s'achèveront en fin de journée par un scrutin dont les résultats ne devraient pas être connus avant 19H30.
Fragilisé par cette crise, Édouard Philippe s'est déjà soumis la semaine dernière au vote de l'Assemblée, qui avait approuvé par 358 voix contre 194 les premières mesures notamment d'abandon de la hausse de la taxe carbone.
Le groupe LR ne va pas voter jeudi la motion, son président Christian Jacob jugeant que "ce n'est pas la réponse qui est attendue par l'opinion publique".
Marine Le Pen (RN) a, elle, dénoncé une volonté de la gauche de "se faire de la publicité sur le dos de la crise" des "gilets jaunes", alors que les extrêmes veulent éviter d'être taxés de récupération de ce mouvement populaire né sur les réseaux sociaux.
Dans leur motion, les députés de gauche estiment que les annonces faites par Emmanuel Macron lundi soir (baisse de CSG, les Smicards augmentés de 100 euros mensuels, heures supplémentaires défiscalisées...), "ni justes ni responsables, ne sont pas de nature à répondre à la colère et aux revendications des Français".
Refusant "la politique sociale et fiscale injuste conduite depuis dix-huit mois", la gauche exige de "changer radicalement de cap", à deux jours d'un nouveau samedi de mobilisation, pour lequel Jean-Luc Mélenchon (LFI) est un des rares responsables politiques à encore appeler à manifester.
- "attelage improbable" -
Les trois groupes de gauche avaient déjà surmonté en juillet leurs divisions pour déposer une motion de censure commune sur l'affaire Benalla. Fait inédit depuis 1980, deux motions simultanées avaient alors été défendues, LR en ayant aussi déposé une. C'était alors la première fois que l'opposition avait recours à cette procédure depuis l'élection d'Emmanuel Macron.
Cette nouvelle motion de gauche n'a pas été atteinte sans mal, après des tergiversations voire des divisions des socialistes, qui avaient souhaité d'abord attendre l'allocution du chef de l'État lundi.
Entre Insoumis appelant à la "révolution citoyenne" et à la dissolution de l'Assemblée, et PS réclamant une "négociation" plutôt que la simple concertation sur les territoires organisée par le gouvernement, "l'attelage est tellement improbable, rien ne les réunit", observe-t-on dans la majorité.
Les socialistes ont finalement décidé mardi à l'unanimité d'apporter leurs nécessaires signatures à la motion, pour atteindre les 10% des membres de l'Assemblée requis. Mais l'attentat de Strasbourg dans la soirée même, qui a remis la question de la sécurité au premier plan, a semblé refaire hésiter certains.
Alors que la date du débat venait d'être fixée, la présidente du groupe PS Valérie Rabault a écrit mercredi au président de l'Assemblée Richard Ferrand (LREM) pour demander un report.
Moins demandeur, le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon a lancé lors des questions au gouvernement qu'un report ne serait "pas un drame".
Le gouvernement est "à la disposition de l'Assemblée et ce débat (sur la motion) aura lieu quand l'Assemblée le souhaitera", lui a répondu Édouard Philippe. "Nous pourrons exprimer nos désaccords, parce que fondamentalement M. Mélenchon nous sommes d'accord pour défendre la République et pour défendre la démocratie", a ajouté le chef du gouvernement, déclenchant une standing ovation.
De son côté, Richard Ferrand a répondu au groupe PS qu'il lui était "loisible, avec l'ensemble des signataires, de retirer la motion" pour la redéposer ultérieurement.
La présidente de la commission des Affaires sociales, Brigitte Bourguignon (LREM, ex-PS), a aussi suggéré à la gauche de "prendre (ses) responsabilité(s)" et plutôt permettre de passer "tout de suite à l'ordre du jour", afin de traduire les mesures annoncées dans les budgets 2019.