"Gilets jaunes": pas de censure du gouvernement mais la gauche a porté leur colère

Pour faire entendre les "cris du peuple" lancés par les "gilets jaunes", la gauche a soumis jeudi Édouard Philippe, dans une ambiance parfois houleuse, à l'épreuve d'une motion de censure, largement rejetée dans la soirée.

La motion des communistes, Insoumis et socialistes n'a recueilli que 70 voix, loin de la majorité des 577 députés requise pour faire tomber le gouvernement.

L'exécutif est "déconnecté du peuple" et il est "de notre responsabilité de vous stopper dans votre course têtue en faveur du capital", avait lancé auparavant André Chassaigne (PCF), son premier signataire, devant un hémicycle peu garni.

"La maison brûle, mais le président regarde ailleurs. L'heure est venue de changer de cap", a appuyé Olivier Faure (PS), à deux jours d'une nouvelle mobilisation.

Pour sa part, Jean-Luc Mélenchon (LFI) a fait respecter une minute de silence par la plupart des députés, en hommage aux victimes au sein du mouvement des "gilets jaunes": six morts, dont un dans la nuit de mercredi à jeudi près d'Avignon. Puis il a défendu la censure, "plus court chemin vers le retour aux urnes que la démocratie exige, vers la dissolution".

Accompagné de plusieurs membres du gouvernement, le Premier ministre a répondu que depuis juin 2017, "les Français ont vu des transformations rapides" mais "ont trouvé trop lentes celles qui amélioraient directement leur pouvoir d'achat, ils ne l'ont pas accepté, c'est pourquoi le président nous a demandé d'accélérer".

"Le temps presse" et Édouard Philippe a rappelé les mesures annoncées lundi par Emmanuel Macron - baisse de CSG, les smicards augmentés de 100 euros mensuels, heures supplémentaires défiscalisées... - qui vont être traduites dans un projet de loi, mercredi en Conseil des ministres.

Le groupe LR n'a pas voté la motion, "dont le contenu est très éloigné de nos propositions", a expliqué Virginie Duby-Muller. "Lundi, Jupiter semble être redescendu sur terre, annonçant plusieurs mesures, dont certaines que nous défendions depuis plusieurs mois", a-t-elle souligné.

"Si le changement de ton de ces derniers jours est une posture, alors vous allez droit dans un mur", a averti Jean-Christophe Lagarde (UDI-Agir), qui n'a pas voté la motion, tout comme Philippe Vigier (Libertés et Territoires), sans "blanc-seing".

Les députés RN ont de leur côté approuvé la motion, pour dire leur "opposition absolument totale avec la politique" d'Emmanuel Macron, avait justifié Marine Le Pen depuis Lille.

Elle avait initialement dénoncé une volonté de la gauche de "se faire de la publicité sur le dos de la crise" des "gilets jaunes".

Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) s'est aussi prononcé pour la censure, considérant que le gouvernement "n'a plus de légitimité populaire".

- "Comme un boomerang" -

Édouard Philippe n'a pas manqué d'épingler l'alliance des gauches, se disant "curieux" de connaître leur "programme commun". La gauche n'a "plus guère de repères" à vouloir "censurer un gouvernement qui augmente de 100 euros les travailleurs au Smic", a-t-il lâché.

Gilles Le Gendre (LREM) a aussi dénoncé "un attelage contre nature". Cette motion risque de revenir "comme un boomerang pour ceux qui l'ont déposée", d'après Patrick Mignola (MoDem).

Les trois groupes de gauche avaient déjà surmonté leurs divisions, en juillet, pour une motion commune sur l'affaire Benalla, une motion LR s'y ajoutant. C'était alors la première fois que l'opposition avait recours à cette procédure depuis juin 2017.

Le débat a connu une poussée de tension lorsqu'Olivier Faure a estimé que la majorité "aurait été bien inspirée" de reporter ce débat à la suite de l'attentat de Strasbourg. "Vous avez fait le choix cynique d'utiliser le drame pour mieux cacher la crise", a-t-il accusé, suscitant des protestations.

"Le cynique, chacun l'aura reconnu", a rétorqué le titulaire du perchoir, Richard Ferrand. "M. Faure cherche des boucs émissaires au propre déclin de son parti", a fustigé M. Le Gendre dans les couloirs.

Fragilisé par la crise des "gilets jaunes", Édouard Philippe s'était déjà soumis la semaine dernière au vote de l'Assemblée, qui avait largement approuvé les premières mesures, notamment l'abandon de la hausse de la taxe carbone.

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