"Gilets jaunes": les étapes d'une fronde inédite en France

Grogne sans chef ni organisation, née en octobre sur les réseaux sociaux, la fronde des "gilets jaunes", à l'origine contre la hausse des prix des carburants, agite la France depuis une semaine.

- La vidéo de Jacline Mouraud -

"Mais qu'est-ce que vous faites du pognon des Français?": tout part d'une vidéo postée sur Facebook le 18 octobre. Une parfaite inconnue, Jacline Mouraud, interpelle sur un ton énervé "Monsieur Macron" pour dénoncer "la traque aux conducteurs".

Ce "coup de gueule" anti-taxes est vu plus de six millions de fois sur le réseau social. Une pétition sur change.org "Pour une baisse des prix du carburant" cartonne avec près d'un million de signatures.

Les appels aux blocages de routes enflent sur internet. Une mobilisation nationale est fixée pour le samedi 17 novembre.

Le mot d'ordre lancé aux automobilistes en colère: étaler son gilet de sécurité fluorescent sur le tableau de bord du véhicule: le mouvement des "gilets jaunes" est né.

Agitation protéiforme, la grogne dépasse le simple mouvement d'humeur contre les taxes sur le gazole. Elle agrège les mécontentements d'une France périphérique, au pouvoir d'achat rogné.

- "Mobilisation générale" -

Samedi 17 novembre - "L'avis de mobilisation générale" contre le "racket gouvernemental" et l'appel au "blocage national des routes" rassemble près de 290.000 manifestants sur 2.000 sites (ministère de l'Intérieur).

La journée se solde par un mort (une conductrice prise de panique renverse une manifestante en Savoie) et 227 blessés dont sept graves.

"Jupiter, redescends sur terre, c'est la misère": les protestataires écrivent au feutre leur rancoeur sur leur chasuble. Près de l'Élysée, des forces de l'ordre dispersent au gaz lacrymogène des hommes en jaune.

Si elle ne paralyse pas la France, cette action inédite, organisée en dehors de tout parti et syndicat, touche tout le territoire.

- "Tenir le cap" -

Dimanche 18 - Moins nombreux que la veille mais toujours là, les "gilets jaunes" continuent de filtrer ou bloquer la circulation.

Le Premier ministre Édouard Philippe assure: "Le cap que nous avons fixé, il est bon et nous allons le tenir".

- "Nous aussi!" -

Lundi 19 - "Nous aussi on tient le cap!": une partie des "gilets jaunes" poursuit le blocage. 27.000 manifestants sur 350 sites.

L'inflexibilité du gouvernement est critiquée à gauche comme à droite: les Républicains critiquent la "totale déconnexion" d'Édouard Philippe.

- "Dérive totale" -

Mardi 20 - Les "gilets jaunes" continuent de bloquer autoroutes et dépôts pétroliers que les forces de l'ordre s'emploient à dégager.

Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner dénonce la "dérive totale" du mouvement, sa "radicalisation" et le "très très grand nombre de blessés". En quatre jours, l'agitation jaune a fait 530 blessés, dont 17 graves, et entraîné une deuxième mort accidentelle.

- Violences à La Réunion -

Mercredi 21 - Blocages et protestations marquent le pas en métropole. La Réunion, en revanche, est secouée par une flambée de violence, due notamment à de jeunes casseurs.

"Nous serons intraitables" prévient Emmanuel Macron sur Twitter. Un couvre-feu partiel est instauré sur l'île.

- En attendant samedi -

Jeudi 22 - Le mouvement s'essouffle et espère se relancer samedi avec un appel à envahir les rues de Paris.

Le lieu de rassemblement fait polémique entre ministère de l'Intérieur qui propose le Champ-de-Mars et "gilets jaunes" qui veulent la Concorde. Marine Le Pen suggère les Champs-Élysées.

- "Message reçu" -

Jeudi soir/vendredi 23 - L'ex-ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot juge que la crise était "évitable" avec un "accompagnement social" pour adoucir la hausse de la taxe carbone.

Le message de la rue est "reçu", assure l'Élysée: Emmanuel Macron fixera mardi le cap en matière de transition écologique et dévoilera des mesures.

- Sur les Champs-Elysées -

Samedi 24 - Sur les Champs-Elysées, des manifestants s'opposent aux forces de l'ordre en jetant des projectiles et en construisant des barricades, que gendarmes et policiers repoussent à coups de gaz lacrymogènes et de canons à eau.

Christophe Castaner impute les heurts à des "séditieux" de "l'ultradroite" qui "ont répondu à l'appel notamment de Marine Le Pen" à défiler sur les Champs-Elysées. Celle-ci affirme qu'elle n'a "jamais appelé à quelque violence que ce soit".

A 17H00, 106.301 "gilets jaunes" ont été recensés dans toute la France, dont 8.000 à Paris, contre 282.710 au total samedi dernier à la même heure, déclare Christophe Castaner. Il y a eu 130 personnes interpellées et placées en garde à vue, dont 42 à Paris.

Emmanuel Macron exprime sa "honte" face aux violences, dénonçant ceux qui ont "agressé" les forces de l'ordre et "violenté d'autres citoyens".

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