"Gilets jaunes": la gauche à la recherche du bon curseur

Accusés de manquer de "cohérence" en critiquant la hausse des taxes sur les carburants, les écologistes et la gauche plaident pour une politique à la fois plus globale et plus juste, non sans se diviser sur leur présence ou non dans les blocages de samedi.

Mercredi soir sur TF1, le président Emmanuel Macron a fustigé ceux "qui sont en train de s'opposer à des choses qu'ils avaient (autrefois) eux-même votées" en citant notamment La France Insoumise et "une partie des socialistes". "Bonjour tristesse et salut la cohérence", a-t-il ironisé.

Fin octobre, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait déjà accusé l'ancienne ministre de l'Environnement Ségolène Royal d'être "malhonnête par rapport à ses engagements passés", après qu'elle eut dénoncé un "matraquage fiscal" au nom de l'écologie.

En réponse, Mme Royal, qui n'exclut pas d'être candidate aux européennes de mai 2019, pointe un alourdissement "disproportionné" des taxes sur l'essence et le gazole. "Moi j'avais fait le choix de la neutralité fiscale, +1 centime sur l'essence, -1 centime sur le gazole. Là, les deux augmentent !", accuse-t-elle.

Selon une note technique transmise par le groupe PS à l'Assemblée, la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) augmentera de 7,98 centimes par litre d'essence entre 2017 et 2020, contre 2,38 centimes entre 2014 et 2017 (et de 17,05 centimes pour le gazole contre 10,23 centimes pour la période précédente).

Une passe d'armes a aussi opposé à l'Assemblée la députée LFI Clémentine Autain au ministre de la Transition écologique et solidaire François de Rugy.

"J'ai retrouvé un amendement dont vous étiez la deuxième signataire, qui proposait d'augmenter de 500 millions supplémentaires la taxe carbone !", a lancé le ministre dans l'hémicycle. Il s'agissait en fait de taxer d'abord "les grandes entreprises, en l'occurrence les concessionnaires d'autoroutes", lui a-t-elle répondu.

- "Légitime sentiment d'injustice" -

Si la gauche défend la fiscalité environnementale, elle estime aussi qu'elle doit s'accompagner de mesures positives (chèque carburant, primes à la conversion, développement des transports collectifs...), et s'inscrire dans une politique fiscale plus juste (taxation du kérosène et du fioul, malus sur les grosses voitures neuves polluantes, affectation du produit des taxes à la transition écologique...). Faute de quoi, c'est le principe même d'une fiscalité écologique qui risque d'être massivement rejeté par les Français.

"Rends l'ISF d'abord", a aussi tonné le député LFI François Ruffin, mardi à l'Assemblée.

Mezza voce, Europe Ecologie Les Verts ne dit pas autre chose. Fer de lance de longue date de la fiscalité écologique, EELV a expliqué dans un long communiqué ce week-end que le mouvement des "gilets jaunes", "expression d'une colère nourrie par un légitime sentiment d'injustice", devait être "entendu".

"Le macronisme se sert de la cause environnementale comme d'un alibi, pour justifier son inaction sociale", a fustigé le chef de file d'EELV pour les européennes, Yannick Jadot.

Pas question néanmoins pour les Verts d'appeler à participer à la journée de blocage. "À la coalition des rejets et des colères, nous préférons appeler à la construction d'une coalition de projets", écrit le parti.

La députée Delphine Batho, nouvelle présidente de Génération Ecologie, va plus loin : pour elle, ce serait participer à "une manifestation de solidarité avec le lobby pétrolier".

Une attitude vivement critiquée sur son blog par Jean-Luc Mélenchon, pour qui ce refus s'apparente à un "paternalisme désuet".

M. Mélenchon sera pour sa part présent au côté des manifestants samedi, comme plusieurs autres députés LFI. Mais Clémentine Autain, qui ne se voit "pas défiler à l'appel de Minute et avec Marine Le Pen".

Le PS, qui avait indiqué le 7 novembre qu'il serait "aux côtés" des Français qui "défendent leur pouvoir d'achat", devrait être assez peu présent dans la rue.

"J'ai entendu des appels à manifester sur le mode +l'environnement ça commence à bien faire+. Je ne peux pas m'y associer", a expliqué à l'AFP un membre de la direction, Jean-François Debat.

Selon son entourage, le premier secrétaire Olivier Faure ira à la rencontre des manifestants pour expliquer tract à la main "qu'un autre financement de la transition écologique est possible".

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