Le public réclame plus d'information sur les impacts sanitaires, environnementaux et financiers d'un vaste projet d'usines de traitement de l'eau porté par le Syndicat des eaux d'Ile-de-France, selon les conclusions du débat public obligatoire organisé dans le cadre de ce programme de près d'un milliard d'euros.
Ce débat s'est tenu pendant trois mois, sous l'égide de la Commission nationale du débat public (CNDP).
Le Sedif, premier syndicat des eaux de France, souhaite installer une nouvelle technique de filtration, d'un coût de quelque 870 millions d'euros, dans ses trois principales usines d'eau potable, qui alimentent plus de 4 millions d'usagers (133 communes autour de Paris). A la clé, la promesse d'une eau sans chlore ni calcaire.
Ateliers, forums en ligne, débats mobiles... le débat public a réuni plus de 3.500 participants (associations, chercheurs, jeunes...), sollicités sur tout le périmètre de l'Ile-de-France du fait de l'interconnexion du réseau.
Des "questions méritent encore des réponses ou des précisions", note mercredi l'équipe de la CNDP dans ses conclusions, relevant "le manque de précisions techniques autour du projet".
En particulier, le public a "questionné la nécessité réglementaire et l'efficacité sanitaire réelle du projet". Il s'est aussi interrogé sur "les conséquences sanitaires précises d'une eau potable sans chlore et sans calcaire".
La question de "l'impact environnemental global" a été soulevée: le projet devra prélever 15% d'eau supplémentaire et rejeter dans les eaux de surface un "concentrat" issu de la filtration et de ce fait concentré en micropolluants et matières organiques. Il induit en outre une consommation électrique accrue.
Certains participants "ont pu souhaiter un net rééquilibrage entre curatif (traitement de l'eau) et préventif (protection de la ressource" en amont -- nappes ou rivières), note le bilan.
"Les enjeux socioéconomiques ont été très débattus", la facture d'eau devant croître en moyenne annuelle de 36 à 48 euros par foyer.
Le débat est aussi allé au-delà du projet du Sedif, sur la gouvernance de l'eau en Ile-de-France et sa "possible redéfinition, à l'heure du changement climatique et des impératifs de sobriété".
"L'Etat lui-même s'est retrouvé questionné. Il y a une interpellation par le public pour mieux prendre en compte le dérèglement climatique dans la gouvernance ce l'eau", note le président de la CNDP, Marc Papinutti.
Le Sedif, présidé depuis 1983 par André Santini et en délégation de service public confiée à Veolia, a trois mois pour répondre au débat, et vise une mise en service de son projet en 2030-2032.
Eau de Paris notamment y est opposé, redoutant entre autres des conséquences environnementales sur la région et portant une vision préventive de la gestion de l'eau. Il réclame "un Grenelle de l'eau" en Ile-de-France.