Fumée blanche à Civaux: la centrale nucléaire est de retour

Un panache de vapeur blanche s'élève de nouveau dans la campagne poitevine: au bord de la Vienne, la centrale nucléaire de Civaux redémarre, après un arrêt inédit et une belle frayeur pour tout le parc nucléaire français en pleine crise énergétique.

L'événement est marquant pour EDF, qui voit le retour sur le réseau électrique de sa centrale la plus récente (1997-99) et la plus puissante.

Mais surtout, c'est ici que fut décelé en octobre 2021 un problème de corrosion sur des conduites d'eau de secours servant à refroidir le réacteur en cas d'urgence. Après cette découverte, le risque de fissures fut identifié sur d'autres sites, conduisant EDF à élargir contrôles et arrêts, avec pour conséquence pour cet hiver un record de réacteurs à l'arrêt et un niveau de production nucléaire à son plus bas.

Au pire moment, puisque la guerre en Ukraine a provoqué une flambée des cours de l'énergie en Europe, et que la France veut relancer son programme nucléaire.

Le directeur de Civaux, Christophe Rieu, en place depuis cet été, n'avait ainsi pas encore vu sa centrale fonctionner: ni le réacteur n°1 qui redémarre cette semaine, ni le n°2, qui doit repartir en février, tous deux affectés par de la corrosion au beau milieu de leur visite de contrôle décennale.

"On ne s'attendait pas à détecter ces fines fissures. On a alors découpé des bouts de tuyaux et on les a envoyés à l'expertise, qui a confirmé la corrosion", décrit-il.

In fine, 44 mètres de tuyaux ont dû être remplacés à Civaux 1 et 32 mètres à Civaux 2.

Aujourd'hui M. Rieu montre la vapeur d'eau qui s'échappe de la tour de refroidissement, "symbole du redémarrage".

Depuis quelques jours, le réacteur 1 est reparti progressivement. Mercredi à 21h, il a atteint 12% de sa puissance, permettant sa reconnexion au réseau.

"C'est comme en F1: le moteur tourne, puis vous passez les vitesses, et finalement vous entrez dans la course".

Dans la salle des machines de la taille d'un terrain de foot, sous 50 mètres de plafond, l'énorme turbine Arabelle couleur vert pomme, fabriquée alors par Alstom et baptisée ici Michèle, fait trembler le sol de ses 3.500 tonnes.

L'engin, mû par la vapeur venue du réacteur, caché pour sa part derrière deux murs de béton, est ausculté par les techniciens: température, pression... Dans la salle de commandes, l'heure est à la "sérénité absolue", selon un terme du secteur: rien ne doit la déranger.

Après plusieurs paliers, le réacteur devrait fonctionner à 100% d'ici trois jours, de quoi alimenter en électricité 1,5 million de Français, explique le directeur.

- "Un phénomène très lent" -

Un an d'investigations sur le parc a permis à EDF de conclure que les réacteurs plus récents comme Civaux (1.300 et 1.450 MW) étaient les plus sensibles au problème de corrosion, par la géométrie de leurs tuyaux.

Les réacteurs de 900 MW de technologie américaine Westinghouse, les plus anciens, et les plus nombreux, apparaissent moins exposés.

EDF a ainsi décidé de réparer systématiquement les 16 réacteurs à risque (sur 56). Huit sont réparés ou en train de l'être; il en restera huit à réaliser en 2023.

"On a fait face, et tout le groupe s'est mobilisé", se félicite M. Rieu.

"L'ingénierie, la R-D, les laboratoires... c'était EDF", souligne-t-il, au moment où le sujet des compétences internes alimente le débat sur la construction de réacteurs de nouvelle génération (EPR).

En revanche pour réaliser ces réparations, notamment des soudures délicates, il a fallu appeler des sous-traitants, le drômois Monteiro dans le cas de Civaux.

Avec des tuyaux refaits à l'identique, EDF peut-il garantir que la corrosion ne se reproduira pas?

Le responsable n'écarte pas une récidive. Mais "on a développé des moyens de contrôle plus puissants et plus fréquents. Et c'est un phénomène très lent".

Pour lui, "c'est une page d'un sujet technique qui commence à se tourner".

Bientôt, un second panache de vapeur devrait flotter au-dessus du site, avec le retour de Civaux 2 attendu le 19 février, sauf imprévu technique ou social, puisque des grèves menacent contre la réforme des retraites.

Reste que jeudi, au grand soulagement d'EDF, 44 réacteurs fonctionnaient en France.

cho/ico/sla

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