Valérie Metrich-Hecquet sera-t-elle la nouvelle directrice de l'Office national des forêts (ONF)? La candidate de l'Elysée, qui affronte mercredi le vote des parlementaires, est considérée par les syndicats comme un des "pilotes" des suppressions massives d'emplois dans cette "maison en souffrance".
L'actuelle directrice générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) au ministère de l'Agriculture sera auditionnée par la commission des affaires économiques de l'Assemblée puis du Sénat dans la matinée. Un vote suivra dans la foulée.
Sa candidature sera invalidée si au moins trois cinquièmes des suffrages s'expriment contre elle, dans chacune des commissions: un risque léger sur le papier mais réel tant la colère gronde dans la vieille administration et au-delà.
La forêt brûle encore à l'heure du choix: 3.500 hectares sont partis en fumée en Gironde depuis mardi, qui viennent s'ajouter aux 70.000 d'un été ravageur.
"Nous sommes ulcérés. Cela fait des années qu'on alerte sur les conséquences dramatiques des coupes sombres dans nos effectifs", a déclaré à l'AFP Philippe Canal, secrétaire général adjoint du SNUPFEN Solidaires (premier syndicat) et représentant du personnel au conseil d'administration de l'ONF.
"Le risque d'incendies de forêts, qui était il y a encore quelques années limité au pourtour méditerranéen et à l'Aquitaine, a explosé: il concerne aujourd'hui une commune sur deux en France. Cet été, on a même évacué des villages dans le Jura!", a-t-il expliqué.
- "Prévenir l'embrasement" -
Dans ce contexte, la candidature de Valérie Metrich-Hecquet passe mal: au mieux, les personnels sont "dubitatifs", au pire, ils y voient un désir de "continuer la casse".
Ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts, Mme Metrich-Hecquet a été secrétaire générale du ministère de l'Agriculture de 2014 à 2018, avant de prendre la tête de la DGPE: "A ces titres, elle a piloté la politique de réduction drastique des effectifs de l'ONF", affirme Patrice Martin, secrétaire national du SNUPFEN Solidaires, qui dénonce "une privatisation rampante".
En 20 ans, les effectifs de l'office, déficitaire, ont fondu, passant de 12.800 en 2000 à près de 8.000 personnels actuellement, chargés de gérer les 11 millions d'hectares de forêts publiques françaises.
Un nouveau contrat d'objectifs et de performances (2021-2025) prévoit la suppression de 500 postes supplémentaires et cinq organisations syndicales de l'ONF ont déposé en juin un recours en justice pour demander son annulation.
En juillet, la fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR), qui représente plus de 12.000 propriétaires de forêts, et une association de maires ruraux réclamaient des "services publics forestiers forts" face aux feux monstres et à l'ampleur du défi climatique.
En août, un rapport sénatorial recommandait au gouvernement de "revenir sur les 500 suppressions de postes de l'ONF prévues": il s'agit de "prévenir l'embrasement" des massifs et pour cela, de "rétablir les postes d'agents de protection de la forêt méditerranéenne supprimés ces dernières années" et "déployer plus de postes" hors région méditerranéenne.
Depuis le printemps, plusieurs préfets ont alerté le gouvernement. Dans une lettre au ministre de l'Agriculture, publiée par le site d'information Mediapart, le préfet du Var relate "les difficultés de l'ONF à assurer la réalisation des patrouilles estivales de défense des forêts contre l'incendie" du fait des réductions d'effectifs. Le nombre de patrouilles de surveillances et d'intervention armées par l'ONF est passé dans son département de 51 en 2014 à 22 cet été, relate-t-il.
"L'ONF est un établissement en souffrance. Nous avons besoin de bienveillance et d'un changement profond de politique", résume Armelle Noé, administratrice et représentante du syndicat EFA-CGC, majoritaire chez les cadres de l'entreprise.
Tous aspirent à tourner la page d'années de souffrances. En 15 ans, plus de 50 personnels se sont suicidés, selon le SNUPFEN Solidaires, qui a dénoncé le "management brutal" des derniers directeurs.
"L'un (Christian Dubreuil) a été mis à la retraite d'office et l'autre (Bertrand Munch) démis de ses fonctions en conseil des ministres", à l'issue d'enquêtes pour maltraitances managériales, rappelle Philippe Canal.