Financer le foncier, un défi pour les jeunes agriculteurs

Le foncier agricole français a beau être l'un des moins chers en Europe, y accéder reste un défi pour les agriculteurs au moment de s'installer, surtout s'ils ne viennent pas du milieu agricole, ce qui encourage le développement de nouvelles solutions de financement.

"Aujourd'hui en France, 70% des terres sont en fermage", c'est-à-dire que les agriculteurs louent la majorité des terres qu'ils exploitent, explique Emmanuel Hyest, président de Fédération nationale des Safer (Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural). Les propriétaires sont "soit des tiers familiaux, soit des personnes qui veulent investir" sur le long terme.

"Les jeunes qui reprennent l'exploitation familiale peuvent constituer des GFA (Groupements fonciers agricoles NDLR) pour régler les histoires de succession avec les frères et soeurs", souligne aussi Sébastien Richard, secrétaire général adjoint des Jeunes Agriculteurs.

Mais les jeunes non issus du monde agricole "doivent pouvoir reprendre la totalité de l'exploitation: cheptel, bâtiments, matériel et foncier", ajoute-t-il. Or le coût de ce dernier est "souvent ce qui fait que le projet n'est pas viable".

"L'accès au foncier a toujours été difficile", relève M. Hyest. "Ce qui change sans doute, c'est qu'avec l'effondrement des revenus dans certaines filières agricoles, un jeune agriculteur qui s'endette pour racheter de la terre pour s'installer risque d'avoir beaucoup de mal à rembourser par la suite".

"Un prêt à 400.000 euros et une vie au RSA", résume un producteur laitier de Mayenne, installé depuis 7 ans.

- Financement participatif -

Le foncier agricole en France affichait une moyenne en 2016 de 6.030 euros par hectare. Cela représente une hausse de 54% en 20 ans, et un capital non négligeable pour l'agriculteur sortant.

"Si le niveau des retraites était plus important, un certain nombre d'agriculteurs feraient des concessions au moment de la transmission, et choisiraient de louer plutôt que vendre", estime Raymond Vial, président de la Chambre d'agriculture de la Loire.

La profession s'interroge donc sur des moyens d'alléger la charge de l'emprunt pour les nouveaux venus. Et avec des placements financiers, y compris l'assurance-vie, qui ne rapportent plus grand chose, de nouveaux acteurs commencent parallèlement à s'intéresser aux terres agricoles.

"Aujourd'hui il y a des réflexions sur d'autres modèles financiers, mais nous restons vigilants. On va expérimenter mais en prenant toutes les garanties", assure M. Hyest.

Gerald Evin, président de Labeliance, explique par exemple travailler avec la Safer sur "un outil dédié spécifiquement au financement du foncier par des acteurs institutionnels".

"Il s'agit de projets sur 12 ou 15 ans, avec une première phase de financement de l'outil de production. C'est dans une deuxième phase qu'on va permettre à l'exploitant de devenir propriétaire de tout ou partie des terres qu'il exploite", détaille-t-il.

Labeliance apporte "un contrôle et une transparence totale" sur les investisseurs et s'engage auprès de la Safer à ce qu'il soient "100% français", assure M. Evin.

Car le spectre de l'achat des terres françaises par des sociétés financières étrangères inquiète beaucoup en France.

Pour M. Hyest, "l'objectif est de garder le modèle d'agriculture familiale où l'agriculteur maîtrise les capitaux". C'est aussi une question de "souveraineté alimentaire".

"Acquérir du foncier n'est pas une finalité, un producteur laitier qui investit dans un outil de transformation aura une valeur ajoutée plus forte qu'en achetant des terres", estime Lionel Lasry, co-fondateur d'Agrilend, un site de financement participatif ("crowdfunding") qui permet au grand public d'investir dans des projets agricoles.

Les épargnants bénéficient d'un rendement "plus attractif que les livrets d'épargne", tandis que pour les emprunteurs, "nous ne finançons pas sur nos fonds propres donc ne prenons pas de garantie", explique Florian Breton, fondateur de Miimosa, autre plateforme de financement participatif.

"Nous ne sommes pas opposés au modèle de GFA d'investisseurs qui achètent via le +crowdfunding+", assure le président de la Safer, "le portage financier via des propriétaires bailleurs est aujourd'hui indispensable, de la même manière qu'on ne peut pas tous être propriétaires de notre logement".

"C'est un moyen de recréer le contact", estime M. Richard, qui comprend "qu'une partie de la population ait envie de renouer avec le monde agricole"

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