La Cour des comptes juge "irréalistes" les objectifs de l'Etat en matière de production d'hydrogène décarboné et lui conseille de mieux cibler son soutien à la filière, estimant notamment qu'une manne trop importante a été distribuée au transport routier alors que les aides devraient aller en priorité à l'industrie lourde et aux infrastructures.
Dans un rapport publié mercredi, la Cour souligne que malgré des adaptations successives de la stratégie nationale hydrogène (SNH), dont la plus récente version date d'avril, les nouveaux objectifs de production d'hydrogène pour décarboner la France "paraissent encore hors de portée".
"La Cour estime que seuls 0,5 gigawatts sont pleinement sécurisés d'ici 2030", alors que dans son dernier document de stratégie publié le 16 avril, l'Etat tablait sur 4,5 GW de capacité de production installée de production d'hydrogène décarboné en 2030, et 8 GW en 2035.
Ces constats ne sont pas propres à la France: "Au niveau européen les ambitions en termes de capacités de production d'hydrogène semblent également peu réalistes" note la Cour, qui estime qu'au mieux les capacités en France "pourraient être portées à 3,1 GW d'ici 2030".
Dans ce contexte de retards, les magistrats s'inquiètent de "la place disproportionnée" du soutien public accordé à la mobilité routière, alors que la transition énergétique du secteur s'avère plus basée sur la technologie des batteries que sur celle de l'hydrogène: Près de la moitié (46%) des quelque 900 millions d'euros de dépenses publiques effectivement engagées pour la filière hydrogène "est destinée à ce secteur".
Les magistrats visent "certaines usines subventionnées (...) qui construisent des piles à combustible dont l'usage prévu est majoritairement routier", mais aussi "des appels à projets +écosystèmes territoriaux+ lancés par l'Ademe" -l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie- ou encore "une partie des soutiens à la recherche et au développement".
Le rapport estime que les aides publiques à l'hydrogène ne devraient pas être ouvertes aux raffineries qui disposent d'un autre dispositif de soutien: la taxe incitative relative à l'utilisation des énergies renouvelables dans les transports (Tiruert).
Au total, d'ici 2030, si le manque de ciblage perdurait, le coût du soutien budgétaire à l'hydrogène pourrait excéder les 9 milliards d'euros annoncés pour la filière en 2023, s'alarme la Cour.
A l'inverse, la Cour ouvre la porte à la possibilité d'un soutien public à des investissements dans des réseaux de transport et de stockage d'hydrogène pour pallier les périodes de basse production d'électricité.
"La question du besoin d'infrastructures de transport et de stockage d'hydrogène mériterait d'être étudiée", préconisent les magistrats, pour permettre "un dimensionnement optimal" du réseau électrique.