Le Parlement a adopté définitivement mardi, par un ultime vote de l'Assemblée, le projet de loi qui doit permettre aux agriculteurs d'être mieux rémunérés et d'alimenter plus sainement les Français, un texte jugé décevant par les oppositions, à l'unisson du secteur.
Le projet de loi, porté par le ministre Stéphane Travert, a été adopté avec 227 voix contre 136, avec le soutien des seuls élus LREM et MoDem. Les oppositions de droite comme de gauche ont dénoncé un texte "creux" et "une occasion manquée".
M. Travert a vanté un projet de loi, issu des Etats généraux de l'alimentation (EGA) lancés en 2017, qui permettra de "ramener du revenu dans les cours de fermes" et porte l'"exigence" de la transformation du modèle agricole en prenant en compte les enjeux environnementaux et le bien-être animal.
Mais pour les élus LR, le résultat est "décevant", voire "révoltant pour tous ceux qui avaient mis beaucoup d'espoir et d'énergie dans les EGA", selon Jérôme Nury. Cela risque "d'être la loi des promesses déçues", a aussi affirmé Thierry Benoit pour l'UDI-Agir, où certains élus ont fait le choix de l'abstention.
A gauche aussi, le mot d'ordre était à la "déception", l'ex-ministre socialiste délégué à l'Agroalimentaire Guillaume Garot pointant un texte des "occasions manquées", les Insoumis une loi "vide" et les communistes le "sceau de l'échec".
Alors que près de la moitié des agriculteurs vit avec moins de 350 euros par mois, le texte entend notamment leur permettre de "reprendre la main" dans les négociations. Il prévoit une construction des prix prenant en compte les coûts de production.
Mais contrairement à ce que souhaitait notamment la FNSEA, syndicat agricole majoritaire, ce n'est pas l'indicateur calculé par l'Observatoire des prix et des marges qui aura le dernier mot en cas de désaccord au sein des interprofessions. Les élus d'opposition craignent que ce soit ainsi toujours "la loi du plus fort".
- Un pas de côté sur le glyphosate -
Pour stopper la "guerre des prix", le texte prévoit aussi un encadrement des promotions ou un rehaussement de 10% du seuil de revente à perte, certains acteurs et élus ne cachant pas leur pessimisme sur le "ruissellement" en direction des producteurs.
Le patron du géant de la distribution Michel-Edouard Leclerc a dénoncé un "enfumage" et une "ponction" sur les consommateurs. Le ministre, qui a à nouveau assuré dans l'hémicycle que le texte n'était "pas là pour augmenter les prix", lui a reproché en retour de prendre "les consommateurs en otage", le rapporteur Jean-Baptiste Moreau (LREM), agriculteur dans la Creuse, l'accusant d'être de "mauvaise foi".
Le texte fixe aussi l'objectif de 50% de produits locaux, dont 20% de bio d'ici 2022 en restauration collective publique ou prévoit une expérimentation du menu végétarien.
En matière de bien-être animal sont notamment prévus un renforcement des sanctions en cas de mauvais traitements ou l'interdiction de toute nouvelle installation de poules en cages.
Longuement débattue lors des deux lectures à l'Assemblée, l'interdiction d'ici trois ans du glyphosate n'a pas été gravée dans la loi malgré des amendements de "marcheurs", ce qui a valu aux LREM des "insultes" sur les réseaux sociaux, selon le patron du groupe, Gilles Le Gendre.
L'exécutif, qui veut "faire confiance" à la filière, a depuis martelé que l'engagement présidentiel serait tenu et une mission parlementaire a été lancée la semaine dernière "sur le suivi de la stratégie de sortie" de l'herbicide controversé.
Les premières réactions des associations à l'issue du vote étaient globalement à l'unisson: "rendez-vous raté" pour CIWF, "la montagne accouche d'une souris" pour la Fondation pour la Nature et l'Homme, projet de loi "médiocre" pour Greenpeace, ou encore bilan "pas à la hauteur" pour le WWF.
Vendredi, les acteurs du monde agricole, qui ont aussi souligné les "insuffisances" du texte, avaient tout de même demandé au Premier ministre la mise en oeuvre "sans délai" de ses dispositions prévues par ordonnances pour qu'elles s'appliquent dès les prochaines négociations commerciales en novembre.