Fermées jusqu'au 20 janvier, les salles de sport entre débrouille et colère

Ni grimpeurs sur les blocs, ni fitness ou cours de pilates: les salles de sport ne comprennent pas de devoir rester fermées jusqu'au 20 janvier, et redoutent "une année 2021 catastrophique" malgré les aides et initiatives pour tenter d'améliorer leur situation.

Sur une journée de semaine normale, la salle d'escalade Arkose près de Nation, à Paris, accueille un petit millier de personnes. Mardi, seul le bruit de la ventilation se fait entendre, sous le regard désabusé d'un des quatre fondateurs du groupe, Grégoire de Belmont, qui a dû fermer l'espace quasiment la moitié de l'année 2020.

"Quand on a été les premiers à être fermés, on a eu un gros sentiment d'injustice", explique-t-il à l'AFP. "Dire que les salles de sport étaient des lieux de contamination potentiels mais que les restos ou bars pouvaient continuer à ouvrir, ça nous a énormément énervés et déçus. D'autant plus que l'ensemble de l'industrie a joué le jeu avec des protocoles sanitaires stricts."

Dans les salles d'escalade par exemple, la magnésie en poudre, qui assèche les mains pour ne pas glisser sur les prises, a été diluée dans un gel hydroalcoolique virucide évitant toute contamination. Masque et distanciation sont obligatoires.

- "Enormément de mesures" -

Dans son club haut de gamme, L'Usine, Patrick Rizzo a le même sentiment d'injustice. Fréquentation régulée, séparations entre appareils, désinfection régulière... "On avait déjà pris énormément de mesures au moment de la réouverture" à l'été.

De ses trois clubs parisiens, qui accueillent en temps normal 4.000 personnes, seul celui près de l'Opéra est ouvert à l'heure actuelle. Mais uniquement pour "les gens porteurs d'une prescription médicale pour une activité physique adaptée".

Il en comptait 700 mardi, dont 500 adhérents. Même pas de quoi couvrir les charges fixes, mais "nous avions la volonté de rester conformes à notre mission de participer à la santé publique", explique Patrick Rizzo

"La nourriture du corps et de l'esprit sont indissociables", plaide-t-il: il espérait ainsi que les salles pourraient rouvrir en même temps que théâtres et cinémas, à savoir le 15 décembre.

Tous s'entendent pour ne pas comprendre la non réouverture des salles avant le 20 janvier.

"Déjà privés de la période d'abonnement et de réabonnement la plus propice de septembre-octobre, les exploitants du sport et des loisirs seront privés de leur deuxième meilleure période", janvier, le mois des bonnes résolutions et des abonnements cadeaux, explique le syndicat des salles de sport privées FranceActive-FNEAPL. "Cela préfigure déjà une année 2021 catastrophique."

- Hoops Factory en redressement -

Selon Virgile Caillet, délégué général de l'Union Sport & Cycle, première organisation professionnelle de la filière sport, les 6.500 établissements de sports et loisirs français réalisent 3,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires et embauchent 70.000 personnes, dont 80% ont moins de 30 ans.

Le risque de liquidations est bien présent et "touche aussi bien des salles indépendantes que des groupes", selon FranceActive-FNEAPL. Money Time, la société basée à Aubervilliers qui gère les salles de basket Hoops Factory, a par exemple été placée en redressement judiciaire le 20 octobre par le tribunal de commerce de Bobigny.

A Nation, Grégoire de Belmont a converti une large partie de l'espace habituellement dévolu à la restauration, fermé, pour y vendre du matériel d'escalade et des vêtements. Arkose a pu battre le rappel par mail auprès de quelques 34.000 personnes en région parisienne, mais pour quel résultat?

"Un groupe comme le nôtre a perdu 15 millions d'euros de chiffre d'affaires. Avec huit millions d'euros d'aides de l'Etat sous forme de chômage partiel et d'abandon de charges salariées/patronales, il reste plus de 6 millions à couvrir d'une manière ou d'une autre", conclut-il. L'aide du gouvernement de 200.000 euros sur décembre, au titre du fonds de solidarité, est loin d'être suffisante.

La détresse du secteur, à quatre ans des Jeux Olympiques de Paris, n'a pas infléchi la position des autorités: "les salles de sport font partie des établissements (...) qui présentent le plus de risques", a encore déclaré mercredi Jean Castex sur RMC/BFM. "Il y a des contacts, on y sue, c'est clos, on y reste un certain temps", estime-t-il, n'envisageant pas de réouverture avant le 20 janvier.