A Falicon, la dernière épicerie a baissé le rideau

Village perché de l'arrière-pays niçois, Falicon et ses 2.000 habitants a pour slogan "la douceur de la vie", titre d'un roman de Jules Romains qui s'y déroule. Mais la vie quotidienne y est moins douce depuis la fermeture de son unique épicerie.

A 10 kms de Nice, Falicon pourrait postuler au prix du plus beau village de France, avec son château du XIIe siècle, son église baroque et les murs de son rempart. Dressé sur son piton rocheux, le petit bourg médiéval, où la Reine Victoria aimait à venir prendre le thé, offre une vue grandiose sur la baie des Anges.

Mais aujourd'hui "le village est un cul de sac et beaucoup rechignent à monter pour venir faire leurs courses", reconnaît Anaïs Tosel, la maire, pour expliquer les difficultés qui ont conduit à la fermeture du Fali'Comptoir, l'unique épicerie du bourg, qui faisait aussi café-restaurant.

Delphine Frasse, la gérante de ce commerce, y ajoute une autre raison: "J'ai souffert des travaux, des fêtes organisées en bas du village. J'ai perdu 50.000 euros de chiffre d'affaires en trois ans", explique cette maman de 39 ans, qui a déposé le bilan et repris un emploi salarié dans la restauration.

"Elle ne nous a pas informés de ses difficultés, nous aurions pu faire appel à la solidarité des Faliconnais", rétorque la maire du village, rappelant que le local était mis à disposition pour un loyer "modique" (175 euros la première année, 200 euros la deuxième), avec en plus un logement loué 600 euros par mois.

Paradoxalement, Falicon n'est pas de ces hameaux qui se meurent. "Nous sommes passés de 2.025 à 2.048 habitants", explique Mme Tosel, maire (DVD) depuis 2020, selon qui le village "attire les jeunes couples qui travaillent à Monaco, Menton ou Nice".

- "Un élément du lien social" -

Et, cette ancienne notaire de 42 ans devenue institutrice de passer en revue les travaux en cours, démonstration de la vitalité de la commune: une nouvelle école pour 170 élèves avec panneaux photovoltaïques, un terrain de foot, et surtout, un parking de 80 places pour remédier au grand problème du village, le stationnement.

Mais la fermeture du Fali'Comptoir est un point noir: "Il est fondamental pour une commune de cette taille d'avoir des petits commerces qui contribuent au tissu économique local, au dynamisme du village et au lien social", reconnaît l'élue.

"J'allais chaque matin acheter mon pain, ça nous manque déjà, les rues sont vides", regrette Gérard Grandvaux, retraité de 68 ans, qui n'est autre que le précédent épicier. "Pendant 15 ans, j'ai livré les personnes âgées, et pendant le Covid, Delphine l'a fait. Pour les plus anciens, la fermeture, c'est un vrai problème".

Pour éviter que Falicon n'entre dans les 59% de villages ruraux privés de commerces de proximité, selon les chiffres de l'Insee, la commune entend vite rouvrir son épicerie: "Nous avons déjà été sollicités par des gens qui ont une expérience du commerce, ça rassure", se réjouit Mme le maire.

Mais, si proche des centres commerciaux niçois, une épicerie de village est-elle encore viable ? "Je pense que oui, avec l'impulsion que la mairie pourra donner", répond l'ancienne gérante. Avant elle, dans le même local, "un couple a tenu l'épicerie pendant 15 ans, donc oui, c'est viable", insiste Mme le maire.

"L'épicerie fait défaut à la frange des habitants qui ne peuvent pas trop se déplacer", témoigne Amélie Barthélémy, Faliconnaise depuis deux ans.

"Mais ça va manquer aussi à ceux pour qui c'était devenu un point de rencontre et de convivialité", ajoute cette femme de 48 ans, regrettant qu'il ne reste plus un seul endroit à Falicon pour aller "prendre un verre entre amis. J'espère que ça va vite rouvrir, on ne peut pas laisser le village comme ça".