Sapin de Noël à Bordeaux, cantines sans viande à Lyon, projet de subvention d'une mosquée à Strasbourg: la première moitié de mandat des municipalités écologistes n'a pas été avare de polémiques, mais les maires de ces trois grandes villes vertes "assument" de "déranger".
Lors d'un entretien croisé en visioconférence, Jeanne Barseghian (Strasbourg), Grégory Doucet (Lyon) et Pierre Hurmic (Bordeaux), ont évoqué pour l'AFP les trois années écoulées et les trois prochaines.
Q: Quelles leçons avez-vous tirées des polémiques de début de mandat ?
GD: "Nous savons qu'un certain nombre de choix politiques que nous avons réalisés dérangent. Certains y voient des positions doctrinaires ou dogmatiques alors qu'elles correspondent à des aspirations des gens ayant voté pour nous. Qu'il existe des polémiques dans le petit monde politico-médiatique, c'est un peu la règle. Mais je ne regrette aucune des décisions prises."
PH: "J'ai eu une expression maladroite en début de mandat puisque j'ai parlé d'arbre mort à propos du traditionnel sapin de Noël. J'ai reçu des menaces de mort, des cartes postales du monde entier m'insultant. Cette période a été très difficile. J'aurais dû parler d'un arbre coupé, mais sur le fond cette décision est tout à fait conforme à nos engagements, à savoir plus de sobriété. Il y a toujours un sapin à Bordeaux mais c'est une oeuvre d'art (...) adoptée par les Bordelais et que je ressors chaque année."
JB: "Très clairement, les deux premières années du mandat en particulier, nous avons été dans le viseur (...), menacés, tournés en ridicule: Khmers verts, Amish, procès en wokisme. Et il est savoureux de voir qu'aujourd'hui avec la crise énergétique, les éléments de langage autour de la sobriété, de l'écologie, ont radicalement changé et que le gouvernement lui-même (...) a dû modifier son discours. C'est important d'assumer les désaccords politiques et de comprendre ce qu'il y a derrière. (Par exemple en matière d'hébergement d'urgence) non seulement nous créons des places d'hébergement bien au-delà de nos compétences, mais nous portons aussi un discours d'accueil, humaniste, pour se battre contre l'extrême droite qui continue de monter".
Q: De quelles réalisations êtes-vous les plus fiers?
PH: "Avoir réussi à modifier considérablement la circulation sur les boulevards autour de Bordeaux, qui étaient une mini-rocade. Je les ai mis à une voie pour les voitures et une pour les vélos et transports collectifs. La circulation y a beaucoup baissé, la pollution a diminué de 30% et il y a +75% de vélos. Même ceux qui m'engueulaient autrefois me remercient."
JB: "La gratuité des transports pour les moins de 18 ans, qui a eu un succès fou. On a doublé le nombre d'abonnés chez les jeunes (à 70.000)."
GD: "Le fait que le quartier de La Guillotière, qui a plutôt défrayé la chronique ces dernières années, ait commencé à retrouver un vrai calme. Certains ont voulu le présenter comme le coeur de la délinquance à Lyon. Par des actions volontaristes dans la sécurité, l'accompagnement social, la santé, la lutte contre la toxicomanie, l'aménagement urbain, on a engagé une dynamique très positive."
Q: Quelle est votre priorité d'ici la fin du mandat?
PH: "Généraliser notre label +bâtiment frugal bordelais+. Il impose notamment aux professionnels d'avoir recours à des matériaux biosourcés, qui viennent à moins de 200 km autour de Bordeaux (...) J'aimerais que Bordeaux soit repérée comme la ville qui a dit non au béton."
JB: "Le projet de tram nord: deux nouvelles lignes de tramway qui vont irriguer le nord de l'agglomération, le parent pauvre de ce réseau. Concrètement, on transformera aussi un vilain carrefour en parc de 16 hectares."
GD: "Le projet de l'îlot Kennedy (8e arrondissement), plus gros investissement de notre Plan pluriannuel d'investissement avec 60 millions d'euros. On aura une combinaison de bâtiments, dont une école qui captera plus de carbone qu'elle n'en émettra, qui vont illustrer ce que nous voulons faire sur la ville. Et tout ça on l'amène dans un quartier populaire."
Q: Votre bilan augure-t-il bien selon vous des prochaines échéances électorales?
PH: "Le meilleur service à rendre à nos candidats aux élections nationales, notamment à la présidence de la République, c'est de réussir nos politiques municipales. L'élection de Mitterrand en 1981 avait été précédée par l'élection de maires socialistes dans des grandes villes, qui avaient plutôt bien réussi (...) J'aimerais qu'on dise la même chose des écologistes: si on peut leur confier les rênes de la ville, on peut leur confier celles du pays."