Everett Ruess et les aventuriers d'une Amérique perdue

Artiste, aventurier, écolo avant l'heure, Everett Ruess était épris d'une nature sauvage. Fuyant la Grande Dépression, il disparut en 1934 dans l'Utah, à 20 ans. C'est son histoire et celle d'une Amérique évanescente que raconte Emmanuel Tellier dans un documentaire et en musique.

Journaliste, longtemps critique rock avant d'être grand reporter; musicien, auteur-compositeur dans plusieurs formations dont le groupe pop-folk 49 Swimming Pools, Tellier a pu entremêler ses deux passions pour ce projet.

"La Disparition d'Everett Ruess. Voyage dans l'Amérique des ombres" est d'abord un film qui tente de retracer le parcours de ce personnage hors normes. Pour ce faire, Tellier est allé de nombreuses fois aux Etats-Unis à la rencontre de celles et ceux qui se sont passionnés pour le "mystère Ruess".

Au fil de ses voyages, il a entrepris de nombreuses recherches, notamment aux archives de l'Université de Salt Lake City. Il a pu consulter la correspondance du poète avec sa famille, s'est rendu sur les lieux où il s'est évaporé, ramenant de chaque périple des images superbes et des témoignages passionnants de personnalités qui le sont autant, tel le libraire Ken Sanders.

Au-delà de cette histoire, qui reflète les deux faces du vieux rêve américain - dont les laissés-pour-compte ont été immortalisés à travers l'objectif d'une amie de Ruess, la photographe Dorothea Lange -, ce récit résonne avec Amérique d'aujourd'hui, tout autant marginale, des Native Americans, ses peuples amérindiens d'origine, à ceux qui ont décidé de vivre en autosuffisance (Off-the-Grid).

"C'est un peu le projet d'une vie", reconnaît celui qui a mis cinq ans à réaliser son documentaire, sans recourir à aucun financement extérieur. Après six mois de montage, il a refusé de vendre ses droits à une société de distribution et même la visibilité d'une diffusion sur Arte, préférant promener son film en dehors des circuits habituels.

- A montrer à Redford -

"Quelque part, je voulais respecter la philosophie d'Everett. Il était un vagabond, donc je veux que mon film vagabonde, qu'il vive de ville en ville, de salle en salle", explique Emmanuel Tellier, qui le diffusera notamment au cinéma La Jetée à Clermont-Ferrand le 20 mars, au lycée Carnot de Cannes le 27 ou encore à la librairie Hugo's Shop à Biarritz le 5 avril.

D'autres projections se profilent dans toute la France, mais aussi, espère Emmanuel Tellier, dans l'Utah, cet Etat où la conscience écologique est très forte et où Everett Ruess, "considéré comme un Arthur Rimbaud local, est une fierté pour ceux qui connaissent son histoire".

"Robert Redford, qui songea un temps monter un film sur lui n'y est pas parvenu. Ça fait un peu de moi le Français qui a réussi ce que les Américains n'ont pas pu faire", sourit Tellier, qui aimerait bien montrer son documentaire à la star hollywoodienne, désormais en retrait du 7e art.

Ce jeudi soir, Emmanuel Tellier se produit en concert au Mona Bismark American Center, dans le cadre du festival Paris Music, pour y jouer les belles compositions de "La Disparition d'Everett Ruess", son disque paru le 8 mars et qui fait office de bande originale de son film.

Première production d'une nouvelle maison de disque, December Square, cet album regorge de morceaux intimes, souvent en piano-voix, qui parfois ouvrent la fenêtre sur les grands espaces, avec l'ajout de guitare et de cordes. Des titres comme "Not Coming Home", "When I Go I Will Leave No Trace", "The Thousand Year Long Road", "Stella Alone With The Sky", sont autant de délectables invitations à un bien beau voyage.