Européennes: entre agriculture et écologie, la majorité joue le "en même temps"

La majorité présidentielle vend la réconciliation entre agriculture et écologie comme un axe fort de sa campagne des européennes, incarné par l'entente "pragmatique" de l'ancien patron du WWF Pascal Canfin et de l'éleveur Jérémy Decerle, respectivement N.2 et 4 de la liste.

Vendredi, le tandem Canfin - Decerle affichera sa complicité sur les terres charolaises de l'ancien président des Jeunes agriculteurs, à Chevagny-sur-Guye (Saône-et-Loire), aux côtés de la cheffe de file Nathalie Loiseau. Une manière d'illustrer qu'il existe bien, sous l'égide de La République en marche, "un chemin ambitieux sur le plan environnemental et pertinent sur le plan économique et social pour les agriculteurs", dixit M. Canfin.

Au coeur du "en même temps" qui a bercé la campagne présidentielle d'Emmanuel Macron, la majorité entend marquer "le point de départ d'une réconciliation de deux mondes qui ne devraient plus se taper dessus", selon M. Decerle. La discorde entre ces deux pôles s'est dernièrement exprimée lors des Etats généraux de l'Alimentation ou encore dans les débats qui entourent la sortie du glyphosate.

Mais un rapprochement est aussi esquissé depuis quelques mois: la FNSEA, principal syndicat agricole, et le WWF de M. Canfin avaient publié en juin 2018 un "manifeste commun" pour une agriculture "prospère et durable". Et en février 2019, l'Etat a signé un préambule au "contrat de solutions", une démarche qui réunit FNSEA et 42 partenaires pour réduire l'utilisation des produits phytosanitaires de synthèse.

"Si nous réussissons à être les plus pragmatiques possibles, comprenant les attentes des uns et les impossibilités des autres à faire évoluer les pratiques manu militari, il n'y a pas de raison que l'on ne trouve pas les solutions", assure M. Decerle à l'AFP.

"Tant que l'agriculture sera méfiante face aux propositions écologiques et tant que l'écologie sera un peu agressive ou extrémiste quant aux pratiques agricoles, on n'arrivera pas à faire évoluer les choses, ni dans un sens ni dans un autre", ajoute ce fils de militant socialiste, qui s'est émancipé de la tutelle teintée à droite de la FNSEA.

En positionnant aux deux premières places attribuées aux hommes MM. Canfin et Decerle, la majorité fait clairement de ce mariage une vitrine, exposée dès le premier grand meeting de campagne le 30 mars.

Une stratégie d'abord justifiée par la nécessité de verdir le projet LREM qui "n'aura rien à voir avec le projet LREM à la présidentielle, qui n'était pas écologique", martèle M. Canfin. Vendredi dernier, Mme Loiseau s'était d'ailleurs déclarée "mal à l'aise" avec le report de l'interdiction de la fabrication sur le sol français de pesticides vendus en dehors de l'UE.

Et autre élément d'importance, la Politique agricole commune, dont le budget est l'objet d'une négociation tendue entre Bruxelles et Paris en raison des baisses attendues.

- Priorité au revenu -

Le duo a donc co-signé dimanche dernier dans Le Parisien une tribune avançant des premières pistes programmatiques. Signe important envoyé au monde agricole: le revenu des exploitants est érigé en première priorité.

"On voulait dire que sans un revenu décent, sans ramener de la sérénité dans les exploitations agricoles, on n'arrivera pas à faire la transformation", explique M. Decerle, rejoint ce jeudi par M. Canfin sur franceinfo: "je ne peux pas me satisfaire que l'un des métiers qui soient le plus difficile à pratiquer génère un revenu aussi faible".

Autre proposition: allouer les aides de la PAC non plus à l'hectare, ce qui favorise le développement des exploitations, mais en les concentrant "sur les exploitations petites et moyennes, les exploitations familiales, celles qui jouent le jeu de la transition écologique, en diminuant les pesticides, en sortant du glyphosate, en privilégiant le bio", selon M. Canfin.

Enfin, les deux plaident pour la mise en place d'un "plan protéine" au niveau européen afin de ne plus dépendre de soja OGM importé. Une question de souveraineté alimentaire, pour "nourrir nos animaux, mais aussi pour faire plus de bioéthanol, pour être meilleur en biocarburant", détaille M. Decerle, dont l'engagement chez LREM a fait bondir l'opposition.

"Jérémy Decerle se rallie ainsi aux pires politiques libérales qui ont sacrifié les paysans sur l'autel de la sacro-sainte concurrence", s'est indignée cette semaine La France insoumise.

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