"On est là": les manifestants tentent de se faire entendre pendant la visite du président Macron

"On est là même si Macron ne veut pas de nous", chantent les manifestants tenus à distance pendant le déplacement jeudi dans les Hautes-Alpes du président, de retour sur le terrain en pleine crise des retraites pour présenter un plan national de gestion de l'eau.

"Pour l'honneur des travailleurs et pour un monde meilleur", le chant créé par les Gilets jaunes et repris par des parlementaires à l'Assemblée nationale au cours des débats sur la réforme des retraites, se poursuit alors que les forces de l'ordre raccompagnent un groupe, qui avait envahi la route et bloqué la circulation en début d'après-midi, vers un rond-point à l'entrée de Savines-le-Lac.

Entre 100 et 200 personnes ont convergé vers ce village pour assurer un "comité d'accueil", munies de drapeaux syndicaux ou de la Confédération paysanne, avant d'être bloquées par les gendarmes en début de matinée.

Réforme des retraites, réchauffement climatique et sécheresse, défense des libertés et du droit de manifester... les sources de mécontentement sont multiples et les slogans variés: "Macron démission", "Ta planète tu la veux bleue ou bien cuite ?","Manu on a du souci à se faire si tu gères l'eau comme les retraites", "Hyp'eaucrite, Sainte Soline sait", en référence au conflit sur les méga-bassines des Deux-Sèvres.

Pendant ce temps, Emmanuel Macron déroule les mesures pour la gestion de l'eau, un "plan de sobriété" pour préparer le pays aux futures sècheresses.

Au moment du discours, la foule mobilisée depuis plusieurs heures s'évertue à faire un maximum de bruit pour tenter de se faire entendre: "Macron est sourd, on va lui déboucher les oreilles!".

"Il noie le poisson, il vient soi-disant pour parler de l'eau, pour pacifier, mais en fait on n'a pas du tout envie d'être pacifié pour l'instant. On est dans la révolte", s'indigne Hélène, une infirmière retraitée de 68 ans qui, comme la plupart des manifestants préfère ne pas donner son nom.

"On est venu aujourd'hui pacifiquement, mais on est absolument stupéfaits de voir (...) comment ils interviennent avec les CRS alors que finalement il n'y a absolument pas de raison, puisqu'on est venu juste pour dire ce que l'on avait à dire et notre mécontentement", s'offusque Muriel, assistante de vie scolaire. "En plus de nous interdire d'être là ils nous écrasent, c'est d'une violence."

- "Provoc" -

Les forces de l'ordre ont procédé à deux interpellations avant l'arrivée du président.

Les gardes à vue pour "violences volontaires aggravées sur personne dépositaire de l'autorité publique", qui concernent deux personnes originaires du département, devaient être levées dans la soirée par le parquet de Gap, mais les enquêtes se poursuivront dans un cadre préliminaire, a appris l'AFP de source judiciaire.

Le rassemblement s'est ensuite déroulé plutôt dans le calme. Dans la foule, il y a tous les âges. "Ils ne veulent pas qu'on nous voie, mais pour moi c'est la liberté d'être dans la rue, surtout quand on est pacifique", défend Eva, une équithérapeute de 30 ans.

"Tout le monde est là pour des raisons très différentes, moi c'est surtout le contexte qui va de moins en moins bien au niveau de la liberté d'expression", ajoute-t-elle.

Pour Roger, un retraité de 69 ans, le président "est loin de tout le peuple". Sa compagne Annick, 64 ans, insiste: "Le peuple est vraiment très en colère, il y a du mépris, des superprofits, alors qu'on nous demande de faire des efforts".

Le couple avait participé à un grand rassemblement en 2018 contre la privatisation du barrage de Serre-Ponçon. Leurs enfants ont manifesté à Sainte-Soline. Pour eux, "c'est un peu symbolique sa venue (ici), après Sainte-Soline c'est un peu de la provoc".

Samedi, au cours d'une manifestation interdite contre ce projet de méga réservoirs d'eau dans les Deux-Sèvres, de violents affrontements ont opposé des militants aux forces de l'ordre, blessant grièvement deux personnes.

Des milliers de gens étaient "simplement venus faire la guerre", a commenté M. Macron jeudi, condamnant des "violences inacceptables".