Pendant longtemps, ils ont inexorablement poussé tels des champignons d'acier et de béton, sans nécessairement prendre en compte les écosystèmes qui les entouraient, défigurant parfois leur environnement. Mais depuis quelques années, les gratte-ciels, symboles verticaux de l'activité humaine, semblent se faire une raison. Sous l'impulsion d'ingénieurs et de designers désireux de concevoir de façon plus écologique et responsable, ces tours se parent de nouveaux atouts, destinés à les inscrire durablement dans un monde qui se transforme. Les muant par exemple en filtres à air géants ou en cités flottantes capables de résister à la montée des eaux, ou en les couvrant de végétation, comme ce sera bientôt le cas pour la tour Montparnasse.
C'est justement pour valoriser ce type de projets que le magazine d'architecture et de design américain eVolo récompense chaque année depuis 2006 des "idées visionnaires qui, par l'utilisation novatrice de la technologie, des matériaux, des programmes, de l'esthétique et des organisations spatiales, remettent en question notre compréhension de l'architecture verticale et de ses rapports avec les environnements naturels", à l'occasion de sa compétition de gratte-ciels. Pour cette édition 2017, le jury a retenu trois lauréats et 27 mentions honorables, parmi les 526 dossiers reçus, qui succèdent ainsi à la tour Mashambas, ferme éducative imaginée pour l'Afrique subsaharienne et visible en diaporama, primée l'an dernier.
A noter que ces projets ne sont pas nécessairement destinés à être construits, faute de moyens ou des technologies nécessaires, mais reflètent l'intégration progressive de problématiques notamment environnementales lors de la conception des projets.
Une tour origami pour les zones sinistrées
Cette année, c'est le gratte-ciel Skyshelter.zip, imaginé par trois architectes polonais, qui a remporté le grand prix. Leur concept : s'inspirer des origamis, ces pliages japonais, pour concocter une structure d'un nouveau genre. En forme d'accordéon, celle-ci est entièrement pliable, si bien qu'elle serait en mesure de rentrer toute entière dans une boîte et donc, d'être facilement déplacée et déployée par hélicoptère. Une originalité qui répond à un besoin bien identifié : celui de pouvoir intervenir dans des zones en crise, sujettes par exemple aux catastrophes naturelles et dont l'accès peut être rendu difficile voire impossible.
Des conditions qui ne seraient pas un problème pour cette Skyshelter.zip, expliquent ses concepteurs, qui peut tenir sur un sol instable, sans travaux de nettoyage, et permettre d'héberger bien plus de victimes que les hébergements de secours classiques et ce sur un périmètre réduit. Point bonus, elle pourrait produire de l'énergie propre, via un réseau de cellules solaires disséminées à sa surface et recueillir et filtrer l'eau de pluie pour une utilisation ultérieure.
Shinto Shrine : un gratte-ciel pour la riziculture
Arrivée en seconde position et conçue par un architecte hongkongais, la Shinto Shrine entend réconcilier agriculture traditionnelle, culture shintoïste et expansion urbaine. En érigeant, en plein coeur de Tokyo, une riziculture "verticalement organisée" rappelant les "jinja", sanctuaires shinto qui servaient autrefois à entreposer les récoltes. Problème, rappelle la fiche du projet, ces traditions ont fini par perdre en ampleur, à l'ombre des gratte-ciels et de la modernité. La Shinto Shrine aurait donc pour mission de ramener l'agriculture en ville en se basant sur un système hydroponique, grâce à une rizière organisée en gradins.
Un barrage contre le sable au Caire
Imaginé par une équipe chinoise, ce mur gigantesque, qui a reçu une mention honorable, aurait un double usage : d'un côté, agir comme un barrage aux tempêtes de sable, enrayant ainsi l'avancée de la désertification sur les villes et permettre de conserver des zones cultivables, mais aussi ralentir l'expansion urbaine. En prime, il permettrait de capter l'énergie du vent.
Le poumon urbain
Autre mention honorable, cette tour en bois entend démocratiser ce matériau écologique dans les constructions massives, en prenant garde à veiller aux questions d'approvisionnement et de performance structurelle. Une évolution qui permettrait, selon son concepteur britannique, de se prémunir des émissions carbone liées au béton et à l'acier mais aussi de capter le dioxyde de carbone dans l'atmosphère, 1m3 de bois pouvant stocker une tonne de CO2.
Le Manhattan du désert
Et si, finalement, les prochains gratte-ciels prenaient place... sous terre ? C'est le projet fou présenté par des architectes français, en réponse à la pauvreté et aux aux conflits armés qui gangrènent le Yemen. Le groupe a imaginé une extension durable de la ville de Shibam, s'étendant sous le plancher et dont les habitations tireraient directement la chaleur des profondeurs, l'eau de la nappe phréatique, l'inertie thermique du sol, et le matériau de construction de la boue.
Tous les autres projets distingués sont visibles sur le site d'eVolo. En attendant, le diaporama reprend certaines des idées les plus innovantes présentées depuis la création du concours.