L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), l'expert scientifique de la sûreté, et le groupe permanent d'experts pour les déchets (groupe d'experts externes pluraliste) avaient été saisis par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme du secteur, dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation du projet Cigéo, qui vise à enfouir à 500 m sous terre les déchets les plus radioactifs, dans le secteur de Bure (Meuse).
Depuis, l'ASN et l'IRSN ont fusionné le 1er janvier au sein d'une entité unique, l'ASNR (autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection), à qui il reviendra de se prononcer vers 2027 ou 2028 sur cette demande déposée début 2023 par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).
Un spectre de risques pendant 100 ans
Dans ces deux avis publiés séparément, l'IRSN et le groupe permanent (GDP) se sont penchés sur la capacité du site à maîtriser un spectre de risques pendant la période d'environ 100 ans où les "colis" seront progressivement déposés, qu'il s'agisse d'"agressions externes" (aléas climatiques, chutes d'avion) et de problèmes internes (accident de manutention, dissémination de radioactivité).
Le GPD et l'IRSN, dont les conclusions se rejoignent, ont estimé que la démonstration de la sûreté du fonctionnement de Cigéo présentée par l'Andra est "globalement satisfaisante", mais devra être complétée en ce qui concerne la gestion des risques liés aux incendies et à l'explosion.
"L'analyse du risque d'incendie nécessite d'être consolidée", a indiqué le GPD dans son avis publié sur le site de l'ASNR, en attirant l'attention sur le cas des déchets bitumés, des boues radioactives dans le passé conditionnées dans du bitume et très inflammables.
Par ailleurs, concernant la maîtrise des risques d'explosion, l'IRSN estime qu'il est "difficile" d'estimer si la démonstration de sûreté peut être apportée à ce stade de développement du projet.
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Des incertitudes
"Des évolutions de modes d'exploitation ou de conception des alvéoles de stockage pourraient être nécessaires", selon son avis.
Ces alvéoles - en fait des tunnels de stockage - accueilleront les déchets les plus nocifs, dit de "haute activité", ainsi que les déchets dits de "moyenne activité à vie longue".
Ils sont exposés à des risques d'explosion en cas de concentration d'hydrogène dans l'atmosphère de ces tunnels, ce gaz pouvant provenir de la corrosion d'éléments métalliques ou de la décomposition de matière organique sous l'effet des rayonnements ionisants. Or les experts de l'IRSN considèrent qu'il y a des "incertitudes" sur "la faisabilité et la suffisance des dispositifs de maîtrise de leur atmosphère interne" vis-à-vis du risque explosif.
L'Andra devra répondre à ces demandes complémentaires avant le stockage des premiers déchets. "Nous avons pris des engagements décrivant comment nous allons y répondre et comment ces réponses s'articuleront avec les prochaines étapes clé du déploiement du projet, ce qui a été validé", a déclaré dans un communiqué Sébastien Crombez, directeur sûreté, environnement et stratégie filières de l'Andra.
Pour nourrir l'instruction de la demande d'autorisation, les experts de la sûreté devront encore remettre un rapport avant l'été 2025. Celui-ci portera sur les conditions de sûreté du site une fois que celui-ci sera refermé, à l'horizon 2150. L'ASNR publiera ensuite un avis de synthèse d'ici la fin de l'année sur ce projet lancé en 1991 et très contesté par des collectifs écologistes.
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Avec AFP.