Environnement et nouvelles technologies conduiront à de nouvelles formes d'avions

La forte croissance de l'aérien et l'urgence écologique imposent à l'industrie aéronautique de se réinventer en s'appuyant sur les pistes ouvertes par le numérique et la propulsion électrique, qui pourraient conduire à terme vers de nouvelles formes d'aéronefs et une nouvelle segmentation du marché.

Quels sont les principaux défis de l'industrie aéronautique aujourd'hui?

L'un des défis principaux est la forte croissance du trafic aérien, qui va conduire à un doublement de la flotte mondiale d'avions d'ici à 2040. Cette forte croissance a deux conséquences: la forte hausse des émissions de CO2 et la pénurie de pilotes qui risque de la freiner.

L'industrie aéronautique représente entre 2 et 4% des émissions globales de CO2, explique Jérôme Bouchard, partner au cabinet Oliver Wyman. "La transition énergétique se fera par l'hybridation. On ne va pas remplacer les réacteurs par autre chose demain. On va avoir une cohabitation de deux types d'énergie dans les avions: une énergie fossile (kérosène) et le biocarburant, et l'énergie électrique" grâce à des batteries ou à l'hydrogène.

Ces nouvelles technologies vont-elles modifier l'aviation telle que nous la connaissons aujourd'hui?

"L'aviation de demain sera une aviation qui sera beaucoup plus modulaire, plus verte, plus autonome et donc va permettre avec des tailles et des formes d'aéronefs différents soit d'aller très vite, soit très lentement, soit tout près soit très loin, c'est-à-dire une flexibilité que l'on n'a pas aujourd'hui" dans les avions avec un fuselage et deux ailes, estime Jérôme Bouchard.

Le motoriste aéronautique Rolls-Royce envisage ainsi une nouvelle segmentation du marché, avec des véhicules volants ou des avions entièrement électriques pour des distances inférieures à 500 km, des avions hybrides jusqu'à 3.000 km et des gros porteurs à énergie fossile mais avec davantage de systèmes électriques, y compris dans les moteurs, pour réduire le volume global d'émissions de CO2 du secteur.

"Ce sera une évolution dans le temps", explique Rob Watson, directeur de l'électrique chez Rolls-Royce. "Les marchés sont différents et segmentés, et le rythme auquel les technologies sont introduites pour chaque marché dépend des impératifs de chaque marché".

La perspective du vol autonome est-elle envisageable ?

"Une rupture majeure va se produire dans le cockpit", prédit Jérôme Bouchard. "Il va y avoir une pénurie de pilotes qualifiés. Dans les 10 prochaines années, il va manquer jusqu'à 150.000 pilotes dans le monde. Le +Single pilot operation+ est une chose qui pourrait arriver dans les quelques années qui viennent", estime-t-il.

La vision d'Airbus du cockpit du futur représente en effet un cockpit avec un seul pilote, des écrans tactiles, un affichage tête haute, une vision synthétique sur laquelle s'affichent les alertes pour le relief, une vision météo et les points de passage du vol qui peuvent être modifiés en temps réel si nécessaire.

"On est dans un outil de communication avec le sol et avec les autres avions et un pilotage beaucoup plus automatisé, dans lequel on va aider le pilote. Il aura un rôle décisionnel sur la base d'informations transmises par des sondes, des capteurs sur son avion et depuis le sol", résume Jérôme Bouchard. Au sol, une personne chargée de la gestion de trafic aérien et du pilotage pourra superviser six à huit avions. "Le sol voit ce qui se passe dans le cockpit, a la possibilité de reprendre en main le cockpit en cas de défaillance du pilote", souligne-t-il.

Quels sont les freins au vol autonome ou au pilote seul aux commandes ?

"Le frein n'est pas tant dans la technologie - on pourrait faire voler des avions en autonomie aujourd'hui - il est principalement dans la tête des passagers", reconnaît Jérôme Bouchard, en soulignant toutefois que "l'automatisation va permettre de renforcer la sécurité des vols".

"On va avoir de nouveaux modes de pilotage, une autonomie croissante qui débouchera dans un horizon 2040 vers premiers vols commerciaux autonomes à grande échelle, si tant est que nous soyons prêts à l'accepter a cette échéance".

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