Enterrés ou immergés, de dangereux déchets de guerre disséminés en Europe

Des bombes, obus, mines, enterrés ou immergés: ces déchets militaires, hérités des guerres mondiales, présentent toujours des dangers mais sont aussi source de pollution en Europe, selon la directrice de l'association Robin des Bois, Charlotte Nithart.

. Où ont été déposés ces déchets ?

Les déchets de guerre concernent particulièrement le sol français, concerné par de nombreux conflits dans un passé proche: la guerre franco-prussienne de 1870 et les deux guerres mondiales. "On trouve encore des munitions de 1870 tirées et non explosées".

Mais d'autres pays sont confrontés aux mêmes problèmes, comme la Belgique et l'Allemagne. Il y a aussi des déchets immergés entre l'Écosse et l'Irlande et d'une manière générale "sur toute la façade atlantique".

L'Est de la France, particulièrement touché, a vu des munitions jetées dans des lacs comme à Gérardmer (Vosges), mais c'est aussi le cas dans les lacs suisses où ont été déversées "plus de 20.000 tonnes de munitions périmées". Le Léman n'y a pas échappé.

En France, "on voit que les archives, petit à petit, se ferment et leur accès est de plus en plus bouclé, alors que normalement, avec le temps qui passe, les archives s'ouvrent". "Même les chercheurs" ont des difficultés à retrouver la trace des dépôts.

. Pourquoi avoir caché les munitions?

Après la guerre, "les armées en déroute ont mis leur stock de munitions" dans le sol ou dans les lacs. "Le but c'était que l'ennemi ne puisse pas y accéder. Et puis après, il y a l'armée sur place, au moment du retour à la normale, qui, elle, a essayé, avec les connaissances du moment, de faire au mieux pour que ça soit inaccessible aux populations".

"Et donc, là, en fonction du contexte, ça a pu être inventorié, les sites localisés ou non, en fonction de qui était sur place et comment les archives ont été traitées."

En 1992, un journaliste de La liberté de l'Est (remplacé en 2009 par le quotidien Vosges Matin) avait reçu les confidences d'un homme mobilisé en 1940, qui racontait qu'un jour, un général était venu à Gérardmer et leur avait dit, à propos des munitions: "Foutez-moi ça dans le lac, mais surtout pas de jour, il faut que personne ne vous voie".

. Quelles conséquences sur la sécurité et l'environnement ?

"On sait que non seulement il y a le risque d'explosion immédiat, mais il y a aussi le risque de pollution et de dégradation des composés chimiques qui sont contenus dans ces munitions."

Les risques sont d'abord sécuritaires, avec un manque de sensibilisation du grand public. Une dizaine de personnes meurent chaque année en lien avec ces munitions.

Une enquête du documentaire "Vert de Rage" diffusé en mai sur France 5 a mis en évidence la pollution liée à ces munitions, notamment sur l'eau quand elles sont immergées, avec des taux de TNT très élevés, ou encore de plomb.

. Quel rôle de l'Etat sur ces sites ?

Robin des Bois demande au ministère des Armées "une transparence sur l'état des lieux, sur les priorités en fonction de la contamination qu'il peut y avoir, en fonction aussi des usages autour" des sites potentiellement pollués, en tenant compte "des lieux où une ressource en eau souterraine est potentiellement impactée mais est utilisée pour la consommation humaine ou pour des cultures".

Quant à l'enlèvement des munitions, elle souhaite "une solidarité de tous les belligérants", avec "un échange des meilleures techniques disponibles".

Des travaux interministériels sont déjà en cours et toute étude complémentaire pourrait permettre, "in fine, d'adapter les dispositifs de protection civile et environnementale existants", avait déclaré en décembre, lors de questions au gouvernement, le ministre Patrice Vergriete, alors chargé du Logement.

La Commission européenne a lancé des groupes de travail sur cette problématique.