En surchauffe, les écoles inadaptées aux canicules

La canicule qui frappe une majeure partie du pays révèle la forte inadaptation des établissements scolaires aux enjeux climatiques, alors que près de 1.900 écoles ont été fermées mardi, observe Guillaume Perrin, qui accompagne les collectivités dans la rénovation de leur bâti.

Avec 12 millions d'élèves et plus de 61.000 établissements, l'école est au coeur des enjeux d'adaptation au changement climatique.

Selon Guillaume Perrin, directeur du programme de rénovation énergétique des collectivités (Actee), le besoin de rénovation est massif, mais les élus se heurtent autant à un "frein psychologique" qu'à un "mur d'investissement".

Question. Pourquoi les écoles sont-elles aussi peu adaptées aux chaleurs ?

Réponse. Environ 70% des écoles ont été construites après-guerre, entre 1950 et 1970. On a construit vite, de manière assez uniforme, et pas forcément avec les meilleurs matériaux ni les meilleures performances énergétiques.

Or dans la trajectoire actuelle du changement climatique, on pourrait avoir les mêmes pics de chaleur à Brest en 2100 qu'à Perpignan aujourd'hui. Les épisodes de canicule ne sont plus restreints au coeur de l'été mais s'étalent de mai à octobre.

Q. Comment se traduit cette inadaptation ?

R. On a lancé en juin le programme de recherche-action "Racine", et on a équipé quinze écoles représentatives du territoire français avec des capteurs de température, d'humidité et de CO2.

Le constat est un peu effrayant dans le sens où aucune école n'est adaptée à la canicule actuelle.

Des températures supérieures à 30°C ont été couramment relevées dans les salles de classe, même hors période officielle de canicule, et un record de 37°C a été mesuré dans une école.

Des écoles très récentes, construites après 2019, connaissent même déjà des problèmes importants de surchauffe liés à leur conception, à savoir de grandes baies vitrées non protégées, et une isolation excessive sans protection solaire qui génère un effet "thermos".

Q. Près de 1.900 écoles, publiques et privées, ont été fermées sur environ 48.000, cela peut paraître peu ?

R. La priorité des maires c'est avant tout l'accueil des enfants, quitte à avoir des journées allégées. Ce chiffre de fermetures ne correspond pas uniquement aux écoles qui posent problème, car bien souvent cette décision est prise en dernier recours puisqu'il faut aussi que les parents puissent faire garder leurs enfants.

Comme il n'y a pas de critère de température maximale défini, les décisions se prennent au cas par cas.

Q. Quels sont les obstacles rencontrés pour rénover les écoles ?

R. Jusqu'à présent, on avait tendance à se préoccuper du confort d'hiver. On se rend compte aujourd'hui avec le changement climatique que le confort d'été va devenir la problématique majeure de dimensionnement des bâtiments.

Si on veut vraiment agir sur le bâtiment, la priorité c'est l'isolation de la toiture et des murs pour assurer la bonne inertie thermique du bâtiment.

Parmi les freins, il y a d'abord une question d'ordre sociétal avec le fait de se dire, pour les élus, qu'on est rentrés dans l'ère du changement climatique, que les canicules vont être beaucoup plus fréquentes qu'avant et qu'il ne suffit pas juste d'attendre une semaine à l'ombre en disant que ça va passer.

Le deuxième sujet est celui des moyens. Un élu va être pris entre différentes injonctions de la part de ses administrés, enlever des nids de poules dans la rue ou rénover les bâtiments publics essentiels.

Dans le deuxième cas, il va très vite faire face à un mur d'investissements assez important. Le +fonds vert+ lancé par le gouvernement en 2023 a par exemple été réduit de 2,5 milliards à 1,15 milliard cette année, tandis que le dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE) est assez complexe à mettre en oeuvre.

Q. En 2023, un plan de rénovation de 40.000 écoles d'ici 2034 a été lancé par Emmanuel Macron. Où en est-on ?

R. Environ 5.000 écoles ont été rénovées, ça marche plutôt bien parce qu'il y a un accompagnement en ingénierie. L'autre difficulté est qu'un mandat de maire dure six ans, dont quatre ans et demi d'actions effectives. Or rénover son patrimoine n'est pas faisable dans un temps aussi court, d'autant que sans accompagnement, il est difficile de s'y retrouver. Il existe un foisonnement de fonds, avec beaucoup d'acronymes, beaucoup de cahiers des charges différents.