Prêt à affronter une nouvelle journée caniculaire, vendredi dans l'agglomération bordelaise, un infirmier entame sa tournée à 06H30 et enchaîne, jusqu'au soir, une cinquantaine de visites chez ses patients. Pour ces personnes âgées, malades ou handicapées, il est bien plus qu'un soignant.
"Bonjour Bernard, comment ça va mon grand ? Tu as bien dormi ? Pas trop chaud ?", lance Djamel Bensalem à son premier patient, handicapé mental et moteur qui ne peut plus se déplacer.
Cet homme de 76 ans vit seul depuis la mort de sa mère et dépend de Djamel qui vient le voir trois fois par jour. "Je lui change sa perfusion, lui donne ses médicaments, lui fais sa toilette intime. Mais je lui donne aussi à boire, à manger, et ça, ce n'est pas mon rôle en théorie, ce ne sont pas des actes facturés", explique ce dynamique infirmier libéral.
Dans un petit bol, il mélange une boisson protéinée avec des céréales pour bébés, puis remplit un autre récipient avec de l'eau gélifiée pour éviter les fausses routes.
"On se substitue un peu à tout le monde, et on est là qu'il pleuve, qu'il vente, un jour férié ou pendant la canicule", dit-il en s'assurant du bon positionnement des ventilateurs et de l'inclinaison du lit médicalisé.
- "Confident" -
Un syndicat, Convergence Infirmière, a appelé cette semaine "à la plus grande vigilance et à la solidarité" envers les personnes vulnérables et isolées, "particulièrement exposées aux risques liés aux fortes chaleurs".
Après avoir dévalé les escaliers, un énorme trousseau de clés de tous ses patients à la main, Djamel Bensalem saute dans une petite voiture noire, son "véritable bureau", où il transporte une caisse remplie de médicaments, seringue et pansements.
"Un 15 août, en pleine canicule, les enfants et petits-enfants sont souvent en vacances et les patients ne voient pratiquement que nous. Ils ne me parlent pas que de leurs problèmes de santé, certains m'envoient même des textos pour me raconter leur journée, me dire ce qu'ils ont mangé", raconte l'infirmier au doux sourire, assumant être "leur confident, leur personne ressource".
Prise des constantes, piqûre d'insuline, aide pour mettre les bas de contention, changement de pansements, toilette intime... les rendez-vous s'enchaînent à un rythme effréné mais le professionnel de santé de 48 ans prend le temps de s'assurer que chacun a de quoi s'hydrater toute la journée.
- "Je dégoulinais" -
"Certaines personnes âgées ou avec des troubles psychiatriques ne ressentent plus la sensation de soif ou de chaleur. Parfois, en pleine canicule, je retrouve un de mes patients sous une grosse couverture", relate-t-il en se garant devant le coquet jardin d'une nonagénaire, "Madame Sanchez".
"J'ai aéré la nuit, j'ai fermé les volets, j'ai bu et pris mes médicaments", s'amuse la vieille dame, anticipant les questions de son infirmier.
Ce soir, elle dormira chez sa petite-fille, "qui a insisté car elle a la clim'. En période de canicule, tout le monde s'inquiète pour moi", sourit-elle.
Pour le soignant, c'est "indéniable" : les fortes chaleurs fragilisent ses patients, avec la tension qui a tendance à chuter ou le taux de sucre qui augmente dans le sang avec la déshydratation.
L'étape suivante, Simone a droit, elle, à une bise. "Cette nuit, je ne savais plus où me mettre tellement j'avais chaud, je dégoulinais de partout", dit la centenaire, entourée de ses filles.
"Mais dis-donc, ce n'est pas de l'eau qu'il y a dans ton verre", plaisante Djamel, à qui elle répond du tac-au-tac, taquine: "c'est du Coca. Le whisky, c'est pour plus tard".