En Occitanie, des facteurs en première ligne contre la dépendance des seniors

"Sans utiliser vos bras, essayez de vous lever cinq fois de suite de votre chaise". Dans un coquet pavillon près de Toulouse, Armande, 83 ans, se soumet à un test d'évaluation physique et mentale, assuré par une factrice de La Poste.

L'octogénaire à la chevelure blanche fait partie des premiers bénéficiaires d'un programme de prévention de la dépendance chez les seniors, élaboré par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et coordonné par le Gérontopôle de Toulouse.

La récente mise en place d'Icope en Occitanie "est une première en France", affirme à l'AFP Neda Tavassoli, pharmacienne et membre du service de gériatrie du CHU de Toulouse.

"Il est proposé aux personnes autonomes de plus de 60 ans, parfois déconnectées du circuit médical, et repose sur l'évaluation et le suivi régulier de la nutrition, la cognition, la mobilité, la vision, l'audition et l'état psychologique, pour intervenir dès qu'il y a le moindre déclin et améliorer ou maintenir l'autonomie", explique-t-elle.

Au volant de sa petite camionnette jaune, la factrice Cécile Saïdani sillonne depuis quelques jours plusieurs communes de Haute-Garonne à la rencontre de seniors ayant préalablement accepté de participer au programme.

"Drapeau, fleur, porte: je vais vous demander de les mémoriser et de me les répéter quelques minutes plus tard", indique à Armande Saint-Pierre la jeune factrice de 32 ans.

- "Enormément de sens" -

Elle lui chuchote aussi les mots "café, câble, chaise" pour vérifier son audition, mais l'octogénaire dit ne rien entendre.

"Sur une échelle de 0 à 100 de bonheur, où vous situez-vous?", s'enquiert encore Mme Saïdani qui rentre au fur et à mesure les données récoltées sur une tablette.

"Je dois être à 20, à peine...", murmure tristement son interlocutrice.

"Il me tarde que cette crise (sanitaire) s'arrête, car dans ma tête ça ne va plus", confie-t-elle.

Environ 15 minutes plus tard, c'est au tour de son époux Roger, 85 ans, d'effectuer le test. Lunettes aux yeux et masque blanc sur la bouche, il avoue aussi à demi mot que les "jours de mauvais temps ou de grand vent, ça va moins bien".

"Ce qui me déprime, c'est de me rendre compte que je ne suis plus capable de faire certaines choses", répète-t-il.

"Je comprends", lui répond doucement la factrice, spécialement formée par une équipe du Gérontopôle pour réaliser ces tests.

Pour la jeune femme, "ce projet a énormément de sens. J'aime beaucoup le contact avec les usagers, c'est plus interactif qu'une boîte aux lettres". La diversification des services proposés par La Poste "c'est que du plus pour nous, facteurs", s'enthousiasme-t-elle.

- "Capital confiance" -

Le couple d'octogénaires se dit satisfait de sa visite. "Si ça avait été un médecin peut-être qu'il aurait utilisé des termes savants, alors qu'avec la factrice j'étais rassurée, c'est quelqu'un qui a mon vocabulaire", remarque Armande.

"La puissance du facteur c'est qu'il est six jours sur sept en tout point du territoire. C'est un vecteur de lien social dans l'esprit des Français", souligne fièrement Sylvie Bailly, directrice d'établissement à La Poste de Plaisance-du-Touch.

Autrefois, le facteur distribuait principalement des lettres, mais avec le déclin du courrier, "le métier évolue et on propose toute une nouvelle gamme de prestations, comme le portage de repas, de courses ou de médicaments aux personnes âgées", dit-elle.

"Le projet Icope correspond donc complètement à nos priorités: la santé et les seniors" et sa mise en place a été rendue possible grâce au "facteur confiance qu'on représente", assure Mme Bailly.

Les informations recueillies par les facteurs sont transmises directement à l'équipe du Gérontopôle de Toulouse, précise la responsable postale.

"Si une anomalie est détectée, une infirmière contacte le médecin traitant de la personne, qui prend ensuite le relais", explique Mme Tavassoli depuis l'hôpital de la Grave à Toulouse.

Une première phase d'expérimentation fin 2020 dans trois communes de l'agglomération toulousaine avait permis de réaliser le test sur 500 personnes, pour qui un signalement au médecin traitant a été nécessaire dans 20% des cas.

"D'ici cinq ans, on souhaite pouvoir suivre 200.000 seniors en Occitanie", et l'objectif de l'OMS est d'étendre le dispositif au reste de la France et au-delà, espère Mme Tavassoli.

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