En Guadeloupe, l'Etat reprend la main sur le système de l'eau et entend "accélérer"

Où en est la remise en état du réseau d'eau en Guadeloupe, très endommagé, et qui entraîne depuis des années des coupures chez les usagers? "Ca démarre enfin", a voulu rassurer le ministre délégué aux Outre-mer, Jean-François Carenco, lors d'une visite cette semaine.

"On accélère les travaux, on accélère tout", a indiqué le ministre, qui a signé mercredi un contrat - annoncé en novembre - de 27 millions d'euros sur trois ans, visant à redresser et assurer le fonctionnement du syndicat unique de l'eau (SMGEAG).

Créé en 2021, le SMGEAG est en proie à de graves difficultés techniques et financières, empirées par les dégâts causés sur le réseau, déjà très mal en point, par la tempête Fiona qui a balayé l'archipel en septembre 2022.

Au point d'avoir conduit en novembre 2022 les acteurs locaux (région, département, SMGEAG) et surtout l'Etat, à signer une feuille de route commune, imposant un plan de retour à l'équilibre financier et une assistance technique de six personnes choisies par l'Etat. "Une ambition partagée pour aboutir (...) à une trajectoire de financement durable du syndicat", selon le document dont l'AFP a obtenu copie.

Une "mise sous tutelle" pour divers observateurs, se référant à la large possibilité pour le ministère d'être, "autant que de besoin (...) sollicité pour (...) identifier les points de blocage qui nécessiteront une intervention interministérielle", selon le même document.

- "Gouvernance à quatre" -

Une décision qui fait suite à un rapport confidentiel sur la crise de l'eau en Guadeloupe, daté de mi-2022, commandé par l'Etat et dont l'AFP a pu prendre connaissance, qui étrillait la situation du syndicat, tributaire de la gestion passée des structures précédentes mais aussi de "l'absence de pilotage", de "défaillance des services administratif et financier" et de l'"ingérence du politique" dans la gestion. Des problèmes structurels qui "ralenti(ssent)t" la prise de "décisions impopulaires" comme le "recouvrement forcé" ou la "réduction de la masse salariale".

Par ailleurs, le rapport dénonçait une mainmise de la présidence du syndicat sur la gestion, retardant les recrutements nécessaires, les relations conflictuelles avec l'Etat et la commission de surveillance du syndicat, composée notamment d'associations d'usagers.

En outre, l'efficacité "des tours d'eau établis depuis 8 ans" n'a jamais été mesurée, expliquait le rapport, qui s'inquiète aussi d'une prévision budgétaire "déficitaire globale de 123 millions d'euros jusqu'en 2027".

"Il est urgent d'agir pour rendre le syndicat opérationnel. Pour chaque mois qui passe au rythme d'exploitation actuel (hypothèse de 15 réparations de fuite par jour), ce sont plus de 350 nouvelles fuites qui apparaissent sur le réseau", indiquait ce rapport.

"Le mois dernier, on réparait 2 fuites par jour, aujourd'hui on est à 30", a pour sa part martelé Jean-François Carenco durant son séjour en Guadeloupe, "c'est bien que c'est le signe d'un truc qui marche".

En janvier, le SMGEAG dressait un bilan de son activité et présentait un plan d'investissement de 50 millions d'euros pour 2023 pour le réseau d'eau potable et celui d'assainissement, loin des centaines de millions nécessaires.

Le syndicat relevait aussi des impayés à hauteur de 50%. Des factures non réglées, du fait, selon plusieurs analyses, de l'absence de confiance envers le service encore soumis à des tours d'eau dans de nombreuses communes. C'est d'autant plus le cas que la sécheresse à l'oeuvre depuis quelques semaines vient renforcer la pression sur la ressource en eau agricole dont une grande partie est détournée vers le réseau d'eau potable.

Dans son rapport daté du 20 mars 2023, la Défenseure des droits préconise de "prononcer un abandon de créances pour les factures aux particuliers émises avant le 1er janvier 2021" pour améliorer la confiance.

La feuille de route pour la "gouvernance à 4" de la structure de gestion est valable pour au moins trois ans, avec un "dispositif de capitalisation de l'expérience acquise". Autrement dit, un transfert de compétences de l'assistance technique des six experts de l'Etat déployée aux agents du SMGEAG, préconisé par le dernier rapport, pour éviter que, comme en 2005, "le retrait brutal de l'ingénierie d'Etat", "n'entraîne des conséquences dramatiques pour l'ensemble des collectivités gestionnaires".

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