La forêt de hêtres du Ciron a résisté à la dernière ère glaciaire mais, selon des défenseurs de l'environnement, ce "trésor méconnu" du sud de la Gironde est menacé par le projet de LGV du Sud-Ouest.
Longtemps confondus avec des charmes, ces hêtres blottis contre le Ciron, un affluent de la Garonne, ont été identifiés au début des années 1990 par un ingénieur de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) résidant dans la région.
Ils forment les reliquats d'une hêtraie datée d'au moins 40.000 années, d'après des analyses menées depuis par l'Inrae et l'Université de Bordeaux.
Elle s'est maintenue "y compris lors de la dernière glaciation il y a environ 18.000 ans, dans un environnement jusqu'alors considéré comme largement désertique", souligne l'Inrae. Elle ne peut cependant être considérée comme une forêt primaire, les activités humaines l'ayant en partie défrichée depuis l'époque médiévale.
Rarissimes en plaine sous ces latitudes, ces arbres ont su d'adapter à des conditions extrêmes et abritent aujourd'hui une vaste diversité de champignons et d'espèces habituellement répertoriées en montagne.
- "Grotte de Lascaux" -
Cas "unique au monde de maintien d'une espèce sur le lieu exact de son refuge de l'ère glaciaire", la hêtraie doit servir d'objet d'études sur l'adaptation des forêts au changement climatique, soutient Alexis Ducousso, le scientifique à l'origine de la découverte.
Cette "Arche de Noé" de la biodiversité, qui s'étend sur une cinquantaine d'hectares, est située en majorité sur des parcelles privées et n'est classée que partiellement zone Natura 2000.
Selon des défenseurs de l'environnement, le passage à proximité d'une ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV) - reliant Bordeaux, Toulouse et Dax - donnerait "le coup de grâce" à cette forêt longtemps grignotée par l'étalement du massif de pins des Landes de Gascogne, dédiés à l'activité sylvicole, par l'urbanisation et par des espèces invasives.
"On ne ferait jamais une LGV sur la grotte de Lascaux car c'est un trésor. Alors pourquoi la faire sur la hêtraie ?", s'interrogent des naturalistes opposés au projet, rencontrés in situ par l'AFP.
- "Pas d'impact" -
Selon SNCF Réseau, "cette hêtraie n'est pas touchée et il n'y a pas d'impact" sur des arbres isolés car le tracé est prévu à plus de 2,7 km de la zone.
Après plusieurs "études successives et avis d'experts", le projet ne menace pas non plus le proche vignoble de Sauternes, dont les prestigieux vins liquoreux dépendent de la "pourriture noble" apportée par les brumes humides de la hêtraie et de la vallée, assure la compagnie.
Mais le tracé coupe "le sens d'écoulement" des eaux et des nappes, et les constructions et remblais à venir "peuvent bouleverser le fonctionnement" de l'écosystème local, estime le syndicat d'aménagement du Ciron.
"On est très attentif" et les porteurs du projet prévoient "un observatoire sur ces sujets-là", promet Guy Kauffmann, qui préside le directoire du projet.
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