L'érosion côtière, qui grignote 20% du littoral français, pourrait affecter si rien n'est fait des centaines de milliers de logements, infrastructures et activités économiques d'ici 2100, en raison de l'accélération de la montée du niveau de la mer, selon le Cerema.
Dans l'étude publiée vendredi, le Centre d'études et d'expertises sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), dresse des scénarios à horizon 2028, 2050 et 2100 afin de mesurer pour la première fois l'ensemble de l'impact potentiel sur les activités humaines.
De quoi parle-t-on?
La France est particulièrement vulnérable au recul du trait de côte, limite entre la terre et la mer, qui se déplace sous l'effet de phénomènes naturels (houle, vent, marée...), de la hausse du niveau de la mer liée au réchauffement et des interventions humaines (barrages, artificialisation des sols, extraction de sables...).
Le recul du trait de côte est un phénomène ancien. En cinquante ans, environ 30 km2, soit 4.200 terrains de foot, ont été laissés à la mer.
Il va être aggravé par la multiplication des tempêtes et l'élévation du niveau de la mer.
Comment a travaillé le Cerema?
L'estimation de la position future du trait de côte nécessite de combiner recul "chronique" historique, recul lié à des événements climatiques extrêmes (tempêtes, éboulements), hausse du niveau de la mer et état des ouvrages de protection (digues).
Les experts se sont appuyés sur une étude du Cerema publiée en 2019 en y intégrant les effets du réchauffement climatique.
Scénario 2028
Qualifié de "maximaliste", il fournit néanmoins une "première approche homogène" des risques dans l'Hexagone et les outre-mer en partant du principe que les ouvrages de protection seront maintenus en l'état, que l'élévation du niveau de la mer n'aura pas d'effet significatif, tout en intégrant l'effet des tempêtes.
En 2028, la position du trait de côte dépendra davantage de l'effet des tempêtes pour les côtes sableuses et d'éboulements ou glissements de terrain pour les côtes à falaises.
Concrètement 1.046 bâtiments, hors Guyane, sont classés "à risque", dont plus de la moitié à usage résidentiel et 191 à usage commercial. Soit une valeur vénale de 238,2 millions d'euros.
Les départements les plus concernés sont le Var, la Seine-Maritime, les Alpes-Maritimes, la Corse et les territoires ultramarins.
Scénario 2050
Ce second scénario, considéré comme "réaliste", prévoit le maintien en l'état des ouvrages de protection et prolonge les taux de recul des côtes déjà observés.
Quelque 5.208 logements sont potentiellement concernés, dont près de 2.000 résidences secondaires, pour environ 1,1 milliard d'euros.
La Manche, la Vendée, le Var, la Corse et la Guadeloupe sont particulièrement touchés au regard du nombre de logements impactés.
Scénario 2100
Cette projection table sur une estimation maximaliste du Giec (Groupe intergouvernemntal d'experts sur l'évolution du climat) avec une hausse d'un mètre du niveau de la mer.
Scénario "de l'inaction", il part d'hypothèses "défavorables" avec une "disparition complète des ouvrages de protection" et une "inondation progressive de toutes les zones topographiquement basses du littoral".
Quelque 450.000 logements sont ainsi potentiellement concernés, pour environ 86 milliards d'euros.
L'étude identifie également 1.437 locaux d'activité en 2050 et 53.158 en 2100, ainsi que 15,5 km de routes structurantes en 2050 et 1.765 km de routes et 243 km de voies ferrées en 2100. Près de 1.000 campings et 10.000 bâtiments publics seraient aussi impactés.
Le Nord, le Pas-de-Calais, la Seine-Maritime, le Calvados, la Vendée et la Charente-Maritime figurent parmi les plus touchés.
Quelles suites ?
Cet inventaire doit appuyer les travaux du Comité national du trait de côte (CNTC) lancé en mars 2023. Il va également servir à l'élaboration du 3e Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC).
Selon le ministère de la Transition écologique, quelque 500 communes sont particulièrement exposées. Plus de 240 sont déjà engagées dans une démarche volontaire de cartographie des risques.
"Si les chiffres paraissent précis (...) les résultats ne peuvent être interprétés qu'à l'échelle nationale", préviennent toutefois les experts.
"Le scénario de 2100 nous incite évidemment à agir pour éviter les dégâts. Il montre que l'adaptation au changement climatique (...) est vraiment un enjeu d'aménagement des territoires", a commenté vendredi Sébastien Dupray, directeur "Risques, eaux, mer" du Cerema, ajoutant "qu'il n'y a pas de solution miracle qu'on pourrait appliquer partout".