"Heureusement que la foi nous réchauffe!". Dans le diocèse d'Autun, en Bourgogne, un des plus touchés de France par la flambée des coûts de l'énergie, des églises ont dû se résoudre à couper le chauffage.
La gelée blanche recouvre les prairies environnantes et, dans l'église Saint-Eugène du Creusot (Saône-et-Loire), il fait à peine 5 degrés. Des volutes de buée accompagnent les chants liturgiques - ou les bâillements - et les rares fidèles de la messe matinale se frottent les mains gantées pour les réchauffer.
"C'est surtout l'humidité", explique à l'AFP Marie, 42 ans, bonnet à pompon enfoncé sur la tête, poncho épais et écharpe de laine par dessus tout. "Faut bien se couvrir!", conseille-t-elle.
Construite en 1912, l'église possède un système de chauffage relativement perfectionné mais les grilles de fonte posées au sol, qui d'habitude laissent passer l'air chaud pulsé, sont désespérément glacées.
"C'est un chauffage au gaz: avec la facture multipliée par quatre, on ne peut plus se le permettre", explique Godefroy de Suremain, le prêtre de la paroisse Saint-François d'Assise, qui regroupe Le Creusot et une dizaine de villages environnants.
"En 2023, notre facture énergétique passera de 37.000 à 148.000 euros, portant nos dépenses totales à 269.000 euros. On prévoit 190.000 euros de recettes. On aura donc un déficit de 79.000 euros", calcule le curé.
Le diocèse d'Autun, dont dépend la paroisse du Creusot, est "un des diocèses très touchés" parmi la centaine que compte la France, explique Richard Lamoureux, économe d'Autun.
Contrairement à de nombreux autres diocèses dont le contrat d'énergie, au tarif avantageux fixé avant la crise, court sur une ou plusieurs années encore, "notre contrat énergétique est arrivé à échéance fin 2022", indique-t-il. "Nous avons donc été obligés de signer une multiplication par quatre du prix du gaz et de l'électricité".
Les charges de fonctionnement, hors salaires, vont ainsi bondir de 150% en 2023 au diocèse d'Autun, soit beaucoup plus qu'au niveau national.
Sur l'ensemble de la France, "la facture énergétique va doubler et provoquer, à elle seule, une hausse des charges de fonctionnement de 5% en 2022 et 10% en 2023", déclare à l'AFP Ambroise Laurent, secrétaire général adjoint de la Conférence des évêques de France (CEF), qui rassemble les diocèses du pays.
- Aucune aide -
Et l'Église ne bénéficie d'aucune aide, qu'elle soit du Vatican ou de l'État, ni même du bouclier tarifaire destiné aux particuliers ou de "l'amortisseur" pour les entreprises.
Le culte ne peut donc qu'"espérer une hausse des dons", souligne M. Laurent, et faire des économies tous azimuts.
Nombreuses sont ainsi les paroisses en France à avoir regroupé les offices dans un nombre limité d'églises chauffées, voire, comme au Creusot, à couper le chauffage sur la quasi-totalité des messes: "Il n'y a plus du tout de chauffage en semaine et une seule messe chauffée le dimanche", explique le père de Suremain.
"On a gardé une messe le week-end, sinon, on va perdre tout le monde. La semaine, ils ne sont qu'une minorité", souligne-t-il, reconnaissant que, de ce fait, "certains ne viennent plus".
"C'est un réel problème pour les personnes âgées", confirme Marie, fidèle de la messe au Creusot en semaine. "Certains ont peur de prendre froid et restent chez eux".
Dans l'église Saint-Eugène de près de 2.000 places, ils n'étaient ainsi qu'une quinzaine lors de la messe matinale du mercredi. C'est moins que d'habitude, selon les fidèles.
"C'est vrai que ce n'est pas évident", confesse une pratiquante de 66 ans, en remettant son écharpe de laine sur ses cheveux grisonnants. "Certaines personnes âgées ne peuvent plus venir".
"Mais comment voulez-vous payer pour tout ça?", demande Annie Martin, 75 ans. "On s'habille", dit-elle en montrant son épais manteau molletonné. Mais "ce n'est pas si terrible. Pensez à l'Ukraine! Et heureusement que la foi nous réchauffe", lance-t-elle en essuyant une goutte au nez.