EELV à la recherche laborieuse d'un nouvel élan

Les écologistes d'EELV aimeraient reprendre la dynamique conquérante du premier tour des élections municipales afin de mener l'alternative à Emmanuel Macron, mais peinent à se faire entendre dans le débat public et pâtissent d'un manque de leader identifié.

"Plus que jamais, on s'organise pour remplacer Emmanuel Macron", scande Julien Bayou auprès de l'AFP. Le secrétaire national d'EELV ne mâche pas ses mots contre la gestion de crise de l'exécutif, "accroché à ses vieilles lunes libérales", au "ton martial et infantilisant" et "arrogant".

Cette rhétorique guerrière et ambitieuse ne masque cependant pas la discrétion des écologistes depuis le début de l'épidémie du coronavirus. "Pour être audibles, il eut fallu sombrer dans la critique à tout va, et il m'a semblé que ce n'était pas le bon ton", justifie Julien Bayou.

Une manière aussi de tacler Jean-Luc Mélenchon, avec qui les Verts sont en concurrence directe. Après deux années difficiles, le chef de file de La France insoumise a repris des couleurs à la faveur de la crise, profitant de l'existence d'un groupe Insoumis à l'Assemblée nationale qui manque cruellement à EELV.

Aucun député, très peu de sénateurs, et surtout des députés européens qui ferraillent actuellement pour renforcer le "Green new deal" de l'UE mais semblent loin du débat national.

Yannick Jadot en fait partie. Propulsé chef de file médiatique des écologistes après le succès des élections européennes de 2019, pour lesquelles il était tête de liste, il reparaît seulement depuis quelques jours, proposant par exemple jeudi la recréation de 300.000 emplois aidés.

Alors que Nicolas Hulot reprend du service dans la position de l'écologiste de référence, le maire EELV de Grenoble Eric Piolle pourrait aussi faire de l'ombre à Yannick Jadot. Il donne désormais des interviews à caractère national et prône un dialogue des gauches, en donnant l'exemple avec les Insoumis François Ruffin et Clémentine Autain.

"Il est amené à jouer un rôle important, et travaille à construire des réseaux autour de lui", même si cela n'en est qu'au stade de l'ébauche, rapporte Alain Coulombel, qui incarne l'aile gauche d'EELV au bureau exécutif.

Yannick Jadot lui aussi consulte tous azimuts mais dit se concentrer sur le fond. "On est dans une période tellement difficile que la responsabilité d'un politique est d'être utile là où il peut agir. Nous travaillons à produire des réponses, en lien avec nos élus locaux", dit-il à l'AFP.

- "Victoire culturelle" -

Ses élus locaux, EELV s'apprêtait justement à en faire exploser le nombre. Lyon, Bordeaux, Grenoble, Toulouse, Strasbourg, Besançon... Avec des scores élevés dans la plupart des grandes villes, le premier tour des élections municipales le 15 mars, juste avant le confinement, sonnait comme une confirmation que les écologistes tiendraient les premiers rôles à gauche jusqu'à l'élection présidentielle.

Mais cet élan a été coupé par la crise sanitaire, et le second tour des élections municipales se fait attendre. S'il devait être reporté à septembre, la question de l'annulation du premier tour serait posée, ce qui ne ferait pas les affaires du parti.

Le coup de pub donné aux maires sortants, en première ligne dans la distribution de masques par exemple, pourrait également pénaliser EELV.

Pourtant, les écologistes s'efforcent d'afficher une certaine sérénité, comptant sur la "victoire culturelle" qu'ils s'estiment en passe de remporter.

"L'important est d'avoir une image politique en phase avec la société, ce qui est notre cas comme l'ont prouvé les dernières élections", assure le député européen David Cormand. "On doit continuer à monter en puissance, et prendre les échéances dans l'ordre".

Julien Bayou l'avoue: "Nous n'avons pas établi de calendrier précis". Il a annoncé des "universités d'été du monde d'après" et se consacre à leur organisation. Il mentionne des contacts avec WWF, le Réseau action climat, l'Unef, la CFDT, les organisations des appels "Plus jamais ça" et "Pacte du pouvoir de vivre"...

Objectif: "décloisonner le dialogue" afin de créer un "bloc de transition" écologique, pour lequel "on ne demande pas de faire un détour par la gauche".