Ils surveillent leur budget à l'euro près, espèrent pouvoir bientôt travailler et font du bénévolat en attendant: l'AFP a rencontré des bénéficiaires des Restos du coeur, dont les profils se sont diversifiés depuis la première campagne de l'association 40 ans plus tôt.
Familles, en particulier monoparentales, personnes issues de l'immigration, très éloignées de l'emploi et travailleurs pauvres sont nombreux à se tourner aujourd'hui vers l'association créée par Coluche, qui soutenaient à ses débuts surtout des chômeurs.
L'AFP expose à partir de jeudi dans sa galerie des portraits de ces bénéficiaires, aux côtés de photos d'archives, à l'occasion de l'exposition "C'est l'histoire d'un pauvre...". Celle-ci revient sur les conditions de vie des plus précaires et sur le combat contre l'exclusion des Restos du coeur.
Anaam, 49 ans, maman solo: "je suis obligée de rester avec mon fils"
Anaam, qui n'a plus de contact avec son ex-mari, vit avec son fils de 10 ans, à Paris. Aller à l'école, surveiller les devoirs, se rendre aux entraînements de foot: "je suis obligée d'être avec lui pour beaucoup de choses, je n'ai pas de famille pour m'aider". Elle a cessé de travailler pour s'occuper de lui et cherche désormais un emploi d'auxiliaire de vie aux horaires compatibles avec sa vie de mère.
Pas question pour autant d'être inactive. "Quand je reste à la maison sans rien faire, ça me rend malade !", s'exclame Anaam en riant. D'où son activité de bénévole aux Restos du coeur.
Son budget mensuel - 867 euros - est issu de plusieurs aides sociales. Même si "tout est cher", au quotidien, "ça va". Un colis alimentaire hebdomadaire et des paiement en plusieurs fois pour les grosses dépenses soulagent son porte-monnaie.
Ousmane*, 21 ans, demandeur d'asile: des papiers pour "reprendre un travail"
Originaire de Guinée, Ousmane dit y avoir fait l'objet de menaces en raison de son travail lié à l'éducation des jeunes. Présent en France depuis plus d'un an, ce demandeur d'asile est hébergé dans un centre, dans une chambre qu'il partage avec une autre personne. Il bénéficie d'une allocation mensuelle de 400 euros, dont il consacre la moitié au paiement de son loyer. Le reste lui suffit pour vivre. "Je me débrouille", commente sobrement le jeune homme. Sa priorité: obtenir des papiers pour "reprendre un travail". En attendant, le bénévolat lui permet de "contribuer" à sa "façon" à la société.
Salima, 63 ans, sans emploi: "même à mon âge, je veux travailler"
Cette ancienne cadre en assurance touche le RSA, soit environ 600 euros. "Ce n'est pas suffisant, je vis en surveillant tout et en faisant des économies", témoigne Salima. Pas question d'utiliser le micro-ondes ou le chauffage, notamment, trop gourmands en énergie.
Pour les achats alimentaires, elle privilégie les fins de marché car "les vendeurs liquident à petit prix" leurs produits. "J'arrive à me faire plaisir une fois par an, en m'offrant une bûche de Noël", sourit-elle.
Après avoir quitté son emploi dans les années 1980, Salima s'est occupée de sa mère, malade, pendant plus d'une dizaine d'années. Comme elle n'a pas retrouvé de poste par la suite, elle s'est consacrée au bénévolat dans plusieurs associations. A 63 ans, celle qui vit seule avec ses deux chiens, espère encore renouer avec un emploi: "même à mon âge, travailler me ferait du bien".
Tamara*, 35 ans, mère de famille: trouver un logement sans papiers, "c'est très dur"
Originaires d'Arménie, Tamara, son mari et leurs trois enfants sont hébergés en Ile-de-France dans deux chambres d'hôtel, attribuées par le 115, numéro d'urgence dédié aux sans-abris. "Il n'y a que deux micro-ondes pour une quinzaine de familles", explique-t-elle. Pour cuisiner, elle se rend dans les locaux de deux associations dans lesquelles elle est bénévole.
"On a essayé de trouver un logement mais c'est très cher et c'est dur sans papiers, on n'a pas le choix pour l'instant", décrit la mère de famille. Malgré leur situation irrégulière, son mari a trouvé un travail qui permet à la famille de disposer d'un budget serré d'environ 1.000 euros mensuels, de quoi se nourrir et se vêtir. "Je veux travailler aussi mais il faut d'abord réussir à avoir des papiers", observe-t-elle.
*Prénoms d'emprunt.