Les intoxications à la bactérie Escherichia coli (E. coli) donnent assez rarement lieu à des épidémies et celles-ci ont des profils souvent différents, explique à l'AFP l'un des principaux chercheurs qui analysent la récente série d'intoxications dans l'Aisne.
"A chaque fois, il y a une nouveauté", constate François-Xavier Weill, directeur du Centre national de référence des Escherichia coli, Shigella et Salmonella à l'Institut Pasteur.
Dans ces fonctions, M. Weill est l'un des principaux responsables des analyses bactériologiques destinées à préciser l'origine de la série d'intoxications à E. coli dans l'Aisne.
Les premiers résultats des analyses menées dans des boucheries suspectées d'être à l'origine du décès d'une adolescente de 12 ans et d'une vingtaine de cas d'intoxication alimentaire, confirment des traces de contamination à l'E.coli, a annoncé vendredi soir la préfecture de l'Aisne.
Elles ont été détectées "dans les viandes ou sur les surfaces de certaines des boucheries qui ont fait l'objet d'investigation", a-t-elle indiqué dans un communiqué.
Les cas graves, essentiellement des enfants, ont été causé par un syndrome hémolytique et urémique (SHU), une atteinte aux reins qui intervient dans environ un dixième des infections à E. coli.
Sans attendre les résultats des analyses, les autorités avaient fermé préventivement plusieurs boucheries de l'agglomération de Saint-Quentin, soupçonnant une infection alimentaire liée à de la viande.
Ces mesures ont été prises à la suite d'interrogatoires auprès des patients, qui ont établi une cause commune probable, ici la consommation de viandes issues des boucheries ciblées. C'est ensuite que sont intervenus M. Weill et ses collègues afin de prouver formellement la cause des contaminations.
"On réalise un séquençage complet du génome: la bactérie est mise à nu et on ne peut pas la confondre avec une autre", détaille-t-il. "Cela permet ensuite de la comparer avec la bactérie isolée sur les aliments suspectés, et si c'est la même, on a une certitude absolue."
- Jus de pomme -
Les premières investigations orientaient vers une épidémie d'infections à E. coli.
Le terme d'épidémie ne doit pas s'entendre ici dans le sens qui lui est fréquemment donné et suppose la transmission d'un individu à l'autre. Il s'agit plutôt d'établir que l'ensemble des cas ont une origine commune.
Or, si l'on identifie chaque année environ 200 cas d'infections à E. coli entérohémorragiques (EHEC), ils sont pour l'essentiel isolés et les épidémies sont "finalement assez rares", note M. Weill.
En France, la dernière d'ampleur remonte à début 2022, quand des pizzas Buitoni avaient été impliquées dans des intoxications ayant causé la mort de deux enfants.
Comme ce précédent épisode l'illustre: "on apprend à chaque épidémie", souligne M. Weill. "Il n'y avait jamais eu, en France et même en Europe, de contamination liée à des produits à base de farine."
"A chaque fois, on ne peut pas prévoir ce qui peut se passer en termes de contamination", insiste-t-il.
Les infections, dont les premiers cas établis remontent au début des années 1980 aux Etats-Unis, n'ont un temps été liées qu'à la consommation de viande hachée de boeuf, mais ont ensuite concerné d'autres aliments comme les fromages au lait cru
En particulier, "il y a eu en 2011, les graines germées une nouveauté pour l'Europe ", énumère M. Weill.
Ces dernières ont causé l'épidémie la plus massive d'infections, avec une cinquantaine de morts dans toute l'Europe, notamment en Allemagne.
A chaque fois, toutefois, on remonte à une cause animale: la présence de bactéries E. coli entérohémorragiques dans le système digestif de ruminants.
Mais la bactérie peut ensuite circuler de manière très diverses: "ça peut être les déjections de l'animal dans de l'eau, ensuite utilisée en irrigation pour des légumes", cite M. Weill en exemple.
"Il y a eu des cas où c'était du jus de pommes bio, parce des pommes tombaient d'un arbre dans un pré où il y avait des vaches", rapporte-t-il. "Il y a toujours des choses imprévues mais les enquêteurs finissent par comprendre et des mesures de contrôle et de prévention sont mises en place."