Du béton à la verdure, Nice achève son autre promenade

Derrière la Promenade des Anglais, Christian Estrosi inaugure samedi le dernier tronçon de la Promenade du Paillon, un long écrin de verdure qui a transformé le centre de Nice, au prix de renoncements exorbitants, selon les détracteurs du maire Horizons.

La première partie, lancée par M. Estrosi à son arrivée à la mairie en 2008 et inaugurée en 2013, est un succès retentissant: Niçois et touristes se pressent tous les jours sur cette bande de 12 hectares qui remonte le cours du Paillon, un petit fleuve capricieux dont les deux derniers kilomètres ont été recouverts au XIXe siècle et ont longtemps été hérissés de béton.

Les arbres et un miroir d'eau de 128 m2 aux jets aléatoires en font désormais un îlot de fraîcheur. Ici la température de l'air baisse de deux à trois degrés en plein été, et jusqu'à dix degrés sur la température ressentie par rapport aux rues environnantes.

Là où trônaient une gare routière, un vieux parking à étages ou encore une station service, la promenade avec ses bancs ombragés, ses aires de jeux, ses étendues d'herbe et ses espaces modulables est devenue un lieu de détente, de rencontres et d'animation.

Fort de ce succès, M. Estrosi a souhaité remonter encore un peu le long du Paillon et rajouter 8 hectares de parc. C'était l'une de ses propositions choc des municipales de 2020. Grâce à des avancées techniques, il a promis une véritable "forêt urbaine" de 5.000 arbres, commandée à l'architecte paysagiste Alexandre Chemetoff.

- "On a perdu gros" -

Le parc alterne sous-bois, étendues d'herbe, parcours ludiques ou sportifs, oeuvres d'art, jardins aquatiques... Même si les arbres sont encore jeunes et les plantes grimpantes ne sont pas encore bien haut.

Les essences ont été choisies pour leur capacité à se contenter de peu d'eau, à procurer de l'ombre et à capter les polluants. Et pour leur permettre de s'épanouir sur les voutes de béton couvrant le Paillon, un système de collecte des eaux de pluie peut stocker l'équivalent d'une piscine olympique.

"Ça va être très joli, on en était sûr depuis le début", commente l'élue écologiste Juliette Chesnel-Le Roux, tête d'une liste PS-verts-PCF aux municipales de 2026. "Mais pour y arriver, on a perdu gros".

Déjà, la facture est salée: il y a 12 ans, le premier tronçon avait coûté 40 millions d'euros. Selon la mairie, le second a coûté 45 millions d'euros, auxquels il faut ajouter 43 millions de travaux de réfection de la voirie, d'un parking souterrain et de la bibliothèque, fermée pour travaux depuis des mois, restée au centre de la promenade.

Et surtout, la nouvelle portion de promenade a nécessité la démolition du palais des congrès et du Théâtre national de Nice (TNN), un bâtiment clivant aux façades de marbre gris de l'architecte Yves Bayard à l'univers très minéral. Et les projets de remplacement semblent encore loin et coûteux: l'idée est de créer un théâtre dans l'actuel palais des expositions au bout du parc et un nouveau palais des congrès du côté de l'aéroport.

En attendant, les amateurs de théâtre sont accueillis dans une structure provisoire et les congressistes -- essentiels pour le secteur touristique en basse saison -- sont espérés dans les bâtiments eux aussi provisoires installés sur le port pour le sommet de l'ONU sur l'océan en juin.

Autre incertitude: le musée d'art moderne et contemporain (Mamac) est aussi fermé depuis presque deux ans pour des travaux qui n'ont toujours pas commencé.

Ex-premier adjoint d'Estrosi, son désormais rival Éric Ciotti (UDR, allié au RN) est devenu un adversaire farouche du nouveau tronçon, dénonçant "un cycle insensé de folles destructions" quand d'autres chantiers traînent: en particulier dans les écoles, les infrastructures sportives et les futures lignes de tramway.

Mais le TNN et le palais des congrès n'étaient plus à la hauteur des ambitions de Nice et leur destruction épargne à la ville 545 tonnes équivalents CO2 par an de déperditions énergétiques, assure M. Estrosi. Face au dérèglement climatique, c'est "une mise en cohérence de la ville".